Inauguration de la Fabrique Pola, Galerie La Mauvaise réputation et la Fabrique Pola, Bordeaux, Vendredi 13 septembre 2019.
Vendredi 13 septembre au soir, à l’occasion de l’ouverture de la Fabrique Pola et de l’exposition collective Pampre it up !, à la Galerie La Mauvaise Réputation, nous avons pu suivre un convoi particulier. Un couple a fait son apparition dans le lieu de l’exposition, puis traversant la ville d’un bout à l’autre des quais, a usé du pont Chaban Delmas pour se diriger sur l’autre rive de la belle endormie, danser et assumer un discours poignant pour l’union des cultures à Bordeaux.
« Le couple nanti vague entre la librairie et la galerie, une œuvre puis la suivante, avec une sorte de regard bruyant, un verre en main, rouge, les gestes sont amples, les sourires grands, tout va bien, on est devant un tableau avec des points. On raconte les derniers potins, on dit " c’est intéressant", on dispose de l’espace, on profite de l’éclairage, du décalage aussi. Accompagné de leur cameraman, The George Tremblay Show est bientôt sur le départ, de l’autre côté de la rive, la rumeur ; on le sait, on les voit, ils arrivent. »
A.G. journaliste détachée.
Après plus d’une quinzaine d’années d’errance la Fabrique Pola a jeté l’ancre dans cette ancienne ville portuaire chargée d’histoire. Parfois lourde, parfois plus légère elle se distingue par son caractère qui marque les habitants puis des générations. C’est une ville qui nous accapare. Elle est avec nous pour le meilleur ou le pire et qu’importe car dans ce village, on vit, on se connaît, on partage, on se souvient. C’est la cour de récréation des enfants que nous étions et des adultes que nous sommes.
Des écoles nous sortons pour entrer dans les caves, les petites rues, les lampadaires éclairent nos nuits, nous avons eu quinze ans et vingt ans et nous sommes là, présents, pour la ville et son rayonnement, pour la faire bouger, pour la rendre propre et la garder un peu sale tout de même, pour planter enfin un bâtiment dédié à la marge et à sa récupération publique et joyeuse.
Pour le meilleur, c’est dans une vague largement héritée du mouvement Fluxus que nous assistons à la prestation du duo de performeurs. Je me souviens les avoir déjà vus lors d’une rétrospective de Buy Sellf en 2010 au CAPC. Ils jouaient à Koons et à la Cicciolina avec profondeur. L’utilisation du déguisement était puissant, leur action, simple et percutante. C’était la foire, la réminiscence des fantômes d’un passé bordelais, 1965/1980, avec ce que l’on appelle "le monde de l’art" et en file indienne, son public, ses collectionneurs, son " marché". Après les années 80 et jusqu’en 2010 la politique culturelle de la ville est changeante. Quelques traces restent, le rêve de retrouver un regard, celui que nous avions attiré dans le monde entier. Qu’il en soit ainsi, il en faudra plus pour aseptiser le caractère bordelais. À nous de virevolter au milieu des ironies ambiantes.
Aujourd’hui nous voici dans une même mascarade, une farce remplie de sérieux dans laquelle le couple manie la scène et le public avec virtuosité. Par leurs déplacements les artistes Isabelle Fourcade et Serge Provost œuvrent à un rapprochement culturel et nous mettent en action. Si nous devenions des "Polariens", les Habitants de cette ville à la grande posture qui nous permet l’humour et l’amour ?
Si nous étions des acteurs improvisés, des stars, des gardes du corps, des danseurs, des fous, des politiciens ? Juste un soir pour ces deux Openings et peut-être encore d’autres... et plus d’une fois.
« Dans la voiture, la garde du corps qui attendait vigilante chauffe son moteur. Lunettes noires elle est attentive, dans sa tête elle refait le trajet qui la conduira à la Fabrique Pola. La moto lance la course, un fanion de The George Tremblay Show fixé à la carrosserie vole au vent, les costumes noirs activent la sirène. Le son annonciateur percute la route, trace parmi les voies de circulations.
The George Tremblay Show prononcera le discours inaugurant l’ouverture de ce lieu dédié à la culture. En attendant, on nous retransmet leur parcours via une projection, le public s’en informe, certains commencent à prendre place sur l’estrade disposée face au micro.
Le parcours a un air étrange et libre, comme une folle petite danse. Il semble qu’après le vernissage, le couple a pris la route, étant approximativement face à la Fabrique, il longe les quais.
Avant de traverser le pont, il semble que le couple ait fait une halte inconnue. Gap temporel, vortex de musique. C’est une autre mélodie qui se joue, Psycho Killer. C’est à ce moment là que la voiture décapotable couleur or fait son entrée dans le bâtiment. Le couple en descend. Fin ou début de soirée, juste une illusion. Alors que les gardes du corps délimitent le périmètre, des photographes mitraillent. Le public entoure la voiture et la scène. The George Tremblay Show danse tout en changeant de tenues, bientôt nous entendrons le discours attendu. » A.G. journaliste sur le terrain.
Voici les fêtards transformés, les déguisés qui portent une parole, des tableaux, des sourires, les attentes d’un groupe. On a l’impression que malgré l’aléatoire des situations nous nous trouvons dans un beau présent sans futur. Idée étrange, sans pouvoir en définir le ressenti, sans trouver les mots, maintenant demain ne sera plus. Le passé nous affleure. Le présent se construit, l’histoire on l’avait dans nos têtes, aujourd’hui, on la vit.
« La performance est actée comme un lieu de fusion entre multiples expériences. De la lumière au gris de la nuit, à la lumière, on ne sait pas si le beau est le laid, si le sérieux est déjanté. C’est un masque qui cache le solennel du moment. Le discours fait le point sur quinze années de déplacement, et nous voici réunis, même unis. Il y a une effervescence particulière et nous en profitons.
Le serment final porte sur la culture, ses acteurs migrants, étendards levés, ce soir de 2019, c’est une étape franchie et mine de rien dans ce discours, un certain confort rassure et nous apaise pour notre avenir. » A.G. journaliste sur le terrain.
Novembre 2020