« Attention, la faïence, les vitres, miroirs, la vaisselle cassée, les ampoules ne vont pas dans le conteneur à verre mais sont à apporter en déchèterie. » Qu’on se le dise.
Atmosphère : musique légère, agréable, gaie, un peu champêtre, sans souci. Celle de Playtime. Ambiance légère donc.
Contraste : la tenue des joueurs est plutôt sévère, surtout Monsieur, smoking et nœud papillon noir.
Allure et manière de se déplacer hiératiques, on ne sourit pas, ça ne rigole pas. Mais cette musique fluide allège l’intimidation. On est comme au cirque, ça intimide toujours, le cirque.
Affichage des lettres de l’alphabet (des feuilles blanches A4) sur le mur blanc, ajout au marqueur de mots au-dessus ou sous certaines lettres :
(Cela fait BMPT + V, tout à fait fortuitement m’a-t-on dit).
Les joueurs installent une douzaine de plaques de verre au sol, fignolent parfois la disposition d’un ajustement avec le bout du pied. Ils déplient les cartons et les posent sur les vitres.
Ils s’emparent des marteaux et brisent violemment mais très calmement, méthodiquement, les vitres : ça vole de partout, l’atmosphère a brusquement changé, c’est le feu d’un bombardement, les fracas, les explosions, les éclats qui jaillissent, brutalement. Et qui cessent tout aussi brutalement.
L’espace, tout le lieu, est transformé, notre vision est presque aérienne, nous survolons un terrain dévasté, empli de débris de verre. C’est grandiose et désolé, l’espace « réel » n’est pourtant que de quelques mètres carrés.
Les joueurs sont allés chercher des balais-brosses, un rouge et un vert, et poussent les débris de verre vers l’avant, comme un geste et une avancée inéluctables : le « nettoyage », tout cela renvoie à un kaléidoscope d’images historiques, le passage des bulldozers, évacuer les décombres, comme ne s’il ne s’était rien passé.
Comme sur la place Tian’anmen en 1989, comme l’orage dans la Sixième symphonie de Beethoven, comme la bataille sur la glace d’Alexandre Nevski, comme Féérie pour une autre fois, comme dans la musique de Chostakovitch, comme après une scène de ménage, après le déluge le calme est revenu.
Les joueurs soulèvent les tapis et y poussent les éclats de verre, vont replier les cartons et les jettent dans le trou sous le tapis. La comédie est finie, plus rien ne traîne.
Je ne sais plus où on en était de la musique, un souvenir de brèves reprises joyeuses ici et là, mais de nouveau on se sent léger, on a eu parfois un peu peur mais on est comme au théâtre en vérité : après la catharsis on se sent mieux, on a passé un bon moment, plutôt joyeux en fait, il faut le reconnaître.