The George Tremblay Show, Afterparty, 26 septembre 2020

Elodie Bernard, 2020

1. EXTCour du doute – Jour
Fondation du Doute - Devant ce grand bâtiment dont la façade est couverte de questions et d’interrogations lancées par l’artiste Ben, une foule s’amasse.

À droite, sous un arbre, on devine une voiture couverte d’un drap de satin rouge. Une boule à facette suspendue. Deux micros au devant. Des projecteurs de part et d’autre réchauffent l’atmosphère.
Le soleil brille, fin de journée, hiver prématuré. Tenue de sport chic pour Monsieur & Madame.
Levée du drap. La partie(y) commence. Une question persiste. Où sommes-nous ?

2. EXTCour du doute – Jour
Ouverture du coffre. Changement de costumes. Tenue de soirée. L’envers du décor d’un film se dessine sous nos yeux. Nous sommes là, figurants de notre propre vie, nous prenons part à la scène.
Une scène qui certainement n’en est pas une. Ici pas de dialogue.
Simples jeux de regards entre eux et nous, nous et nous, eux et eux.

Silence – moteur – action

Costume noir et nœud papillon, robe à sequins d’une élégance folle ! Ils se mettent à danser sur une musique digne d’un grand film ! Nous entrainant indiciblement dans leur chemin, leur déplacement.
Ils occupent tous les espaces de la cour, avec leur corps, avec leurs mouvements, danse de séduction, danser pour soi, pour nous. Pas de deux et tournoiement. Regards complices.
Le public suit, entoure la scène, entre dans le tableau ? Difficile de trancher.

3. EXTCour du doute – Jour /fin de journée
Adossées au mur rouge. Deux chaises en plastique rouges. Je dois bien avouer que je ne les avais pas remarquées avant que les pas de danse du The George Tremblay Show nous entrainent dans cette direction. La musique s’arrête et nous voilà ailleurs. Observateurs. Mais observateurs de quoi, de qui ?
D’un monde de paraître ? D’un monde de fulgurances et de folies qui s’interrompt dès la musique terminée ? Et puis, quelle musique nous anime, est-ce cela dont il est question ?
D’être animé par quelque chose, par une force ?

Ils s’installent sur ces chaises, lui à gauche, elle à droite. Plus de regard. La main dans la poche, il sort son Smartphone. Elle attrape son sac et fait de même. La suite se passerait donc ici ? Seuls.
Ils scrollent leurs écrans. Dans l’attente. Ils sont seuls face à ce monde immatériel. D’un coup, je ressens l’ennui. Nous sommes mis de côté le temps d’un instant. La connivence entre nous – groupe – a disparu. Comme l’ennui d’une société qui peine à trouver sa place. Symbole d’une grande lassitude.
Puis, à tour de rôle ils se lèvent. Lancinants. Des discours retentissent, des monologues - politiques ? – en français pour la voix masculine, en anglais pour celle féminine. On entend hurler la voix de Macron, jusqu’à ce qu’elle soit étouffée par les fesses de Monsieur, qui, las de cette mascarade, s’assoit, « en attendant que ça passe ». C’est drôle non ? ça ressemble un peu à l’histoire de notre vie vous ne trouvez pas ?

Il fait taire ce monologue, dans un geste insolent et gonflé d’humour. C’est drôle et triste en même temps. De déplacements en pauses successives, nous voilà encore une fois à l’opposé de la cour.
Quelle prouesse. Manipuler la masse sans qu’elle s’en rende compte.

3. EXTCour du doute – Jour /nuit tombante
Le jeu des discours. Ils se tiennent face au micro. Nous voilà maintenant dans l’attente d’une parole.
Peut-être vide, peut-être mimée. On projette nos envies. The George Tremblay Show nous regarde.
Grand sourire. On découvre le son de leur voix. Remerciements, jeux de mots, accueil et au revoir.
Invitation au voyage et au bouquet final.

Ils quittent la scène/le tableau. Moment suspendu.

4. EXTCour du doute – Jour + lumière artificielle chaude. /Final
Ils réapparaissent, à cet instant nous sommes dans le doute. Nous voilà de nouveau au point de départ. _ Face à la Audi de collection, comme flambant neuve. On passe de la réalité à la fiction. De la fiction à la réalité. Où est la limite ? Y en a-t-il vraiment une dans cette histoire qui se construit sous nos yeux ?
Elle est sublime dans sa robe de soirée bleu nuit. Monsieur ouvre le capot, elle s’installe sur un tabouret de piano. Action – on lance la musique, Come prima, dans la version de Dalida, en hommage à Richard Baquié - scène finale. Se joue une partition absurde et fantasmée du bruit du moteur, comme une mélodie de piano envoutante. Ventilateur dans le dos de Madame, son foulard vole au vent, comme dans un road trip de grand classique du cinéma. L’esthétisation de la vitesse, le déplacement en moins. La boule à facette jusqu’alors suspendue se voit vidée de toute sa vitalité, Monsieur aspire l’air qu’elle contient. C’est long et laborieux, pourquoi souhaite-t-il mettre fin à la party ? La boule s’écrase, se tort. L’homme provoque sa fin, sa propre fin, sa chute en quelque sorte.

Devant mes yeux une scène magique ou un tableau surréaliste. Les projecteurs brillent, les émotions disjonctent. Joie, absurdité, cynisme.

5. EXTCour du doute – Jour
Il éteint le ventilateur, referme le capot. Elle se lève et quitte la scène. On éteint les projecteurs.

Clap de fin.
Retour à la réalité. Mais laquelle ?

4 novembre 2020

 

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