Le nom l’énonce d’emblée : nous sommes avec The George Tremblay Show au spectacle. Oh ! Pas sur les planches à Broadway, avec brochettes de chorus girls alignées levant leurs gambettes, ou dans un musical euphorisant à la mode d’Hollywood. Non, The George Tremblay Show spectacularise plus modestement (mais le mot n’est pas juste ; disons sans emphase) des morceaux d’existence dans des espaces à dimension humaine. Quelle existence ? Celle de George Tremblay ? En quelque sorte, oui, c’est à dire celles, bien sûr, de Serge Provost et d’Isabelle Fourcade qui en sont l’incarnation scénique, mais aussi, diffuse, fantasmée, celle de tout un chacun au travers de la culture populaire, autrement dit les chansons, les danses de clubs, les émissions de variété, les films du samedi soir, la littérature qu’on appelle de gare.
L’esthétique du George Tremblay show relève du divertissement. Aucun mépris dans ce terme. À condition naturellement d’entendre aussi ce mot dans son sens de détournement. Il s’agit en effet de cela, sans que disparaisse pour autant le plaisir. Au contraire ! Car quelles que soient la situation proposée et la forme adoptée, assimilables à ce que par convention l’on nomme « performance » mais qui relève davantage du sketch de music-hall (revisité par le théâtre de l’absurde), l’impression qui se dégage du George Tremblay Show est la légèreté propre aux expressions mineures. On pense au grand cas fait par George Maciunas, dans les Manifestes Fluxus, de ces formes qu’il brandit pour « purger le monde de la maladie bourgeoise, de la culture “intellectuelle” ». Car la légèreté ne signifie évidemment pas l’absence de profondeur (il suffit d’évoquer les grands burlesques : Chaplin ou Keaton), ni surtout l’absence de propos. Il s’agit en effet clairement pour Serge Provost et Isabelle Fourcade, toujours élégamment vêtus (mais d’une élégance apprêtée frisant la ringardise des « beaux habits », le « 31 » de la fête – smoking et nœud papillon, robe longue voyante et talons aiguilles -), d’infiltrer avec leur personnage le territoire de l’art en juxtaposant des signes empruntés au sentimentalisme des chansons, aux images souvenirs de films ou tout droit venues de domaines jugés insolubles dans la culture savante (les événements sportifs, les kermesses, les folklores locaux). Bref, ces mythologies intimes, allusivement ou directement citées par The George Tremblay Show, profanent avec grâce, mais profanent tout de même, l’idée d’un art héroïque, fondé sur des œuvres tangibles, pérennes, évidemment sacralisables.
La théâtralisation fait donc fonction de dérivatif. Nous sommes dans un espace factice, stylisé, quasi mental. La mélancolie y domine, teintée d’un humour pince-sans-rire. The George Tremblay Show Must Go On… On notera que deux œuvres de « jeunesse » de Serge Provost portaient déjà en elles cet esprit : La machine à faire voler des rondelles de saucissons (1989) qui faisait danser au dessus de nos têtes des tranches de saucisson délivrées de la pesanteur et du temps, et plus encore peut-être Plaque de verre ne pouvant plus échapper à son destin (1990), présentant une plaque de verre maintenue contre un mur par une couche de beurre qui s’effondrait le beurre fondu. Tout passe, tout lasse, tout casse …