Voici maintenant quelques images d’un projet de sculpture composé de 15 pièces à ce jour. Elles font 110 cm de hauteur, sont en porcelaine, seul le disque au sommet du cylindre est émaillé. Ces sculptures sont tournées à la motte et à la corde. Des fissures apparues après cuisson sont réparées avec de la résine chargée d’aluminium.
On pense à une motte qui serait du mot le féminin, qui aurait même origine, qui nous éloignerait comme il faut de la recherche du vrai pour nous plonger dans d’autres étymologies et autrement remotivantes, nous précipiterait sur l’autre versant du langage, celui du rêve et de la poésie.
Il y aurait des tours, mais ce seraient aussi des tours, des mottes de terre comme celles qu’on lançait quand la chasse aux cerises était ouverte, pour savoir s’il y avait quelqu’un près du cerisier. On bombardait l’arbre de mottes de terre avant le chapardage, et on ne se demandait pas si le mot venait du latin ou du gaulois (ou de plus haut si c’était possible). L’enfant a plus d’un tour dans son sac, plus d’une tour.
Qu’il soit déniquoiseau ou voleur de cerises, il faut voir comme il escalade les abîmes. Le nain grimpe au géant, comme chez Hugo et sans l’avoir jamais lu, il a vite fait de passer de la motte au monticule, puis à la chaîne de montagne. C’est là que nous le retrouvons, occupé à baratter le ciel.
À notre tour de questionner, de nous demander quelle chavande on dresse.
Avec quels rondins de bois, quelles dosses de sapin fournies par les scieries locales.
De ne pas nous le demander.
C’est un bûcher constitué de palettes empilées, autour duquel on dansera. Dans les Vosges et à la Saint-Jean.
Nous ne nous demanderons pas non plus quel gâteau on prépare, en versant une pâte liquide sur une broche. Quel gâteau à la broche cuit au feu de cheminée. Quel Baumkuchen, comme on l’appelle en Allemagne, quel « gâteau arbre » (du fait de son intérieur qui évoque les cernes d’un tronc, et rappelle qu’on n’est jamais très loin, dans ces montagnes, du solstice).
Nous dirons seulement que les cernes d’un tronc, c’est la mémoire de l’arbre.
De même ici, avec ces pièces tournées, c’est un peu cela qui apparaît. La genèse, l’origine. Au moment où la pièce est finie -finie d’être tournée, et avant d’être décrochée de sa motte. Il se produit comme une révélation. Sous toutes nos assiettes, bols, objets tournés, dit Florian de la Salle, il y a la partie immergée de l’iceberg.
Cette motte garde en mémoire le travail du geste, des coulures, du façonnage. Ce qui manque sous tous nos objets. Notre obsession a effacé le geste, le mouvement, le vivant. Encore une fois, j’ai souhaité rendre visible ce qui était caché, conclut Florian de la Salle, ce qui faisait sens pour moi.
Ici la pièce tournée est ce petit cylindre.
Denis Montebello, 2018