Pour passer ensemble de 2014 à 2015, Galerie Showcase accueille la proposition de Florian de la Salle, Abracadabra / Abradacabra.
Une composition graphique de la forme d’un triangle isocèle inversé, constituée du mot « Abracadabra » progressivement tronqué jusqu’à n’être plus qu’une lettre, s’installe sur la vitre de Galerie Showcase.
Initialement prévue pour guérir la fièvre, cette formule apparue au Moyen Âge prenait justement l’aspect d’un triangle inversé qui devait être porté en amulette autour du cou. Elle devait capter les mauvaises énergies qui, progressivement, glissaient vers la pointe du triangle pour être finalement éliminées. L’étymologie du terme nous renseigne sur ses racines puisqu’il proviendrait de l’hébreu abreg ad hâbra qui signifie « envoie ta foudre jusqu’à la mort {note}1 » tout en nous indiquant qu’il représente un piège en vue de la protection de l’homme face à des énergies diverses.
Dans le travail plastique de Florian de la Salle, il est justement question d’énergie, qu’elle soit électrique, magnétique, nucléaire ou spirituelle. Celle-ci se développe notamment dans les titres très littéraux de ses œuvres comme Magnétique, Réglés, 10 aimants de 39Kg-force, voire même dans Cosmos, Quadrilatère d’infini ou 8848 m.
Parfois cette énergie sert à constituer l’œuvre, comme pour Cosmos, cette sphère d’environ 80 cm de diamètre formée grâce à la force magnétique de 3800 aimants concassés qui viennent s’agglomérer. Alors que dans d’autres pièces l’énergie est la réponse à une question, comme lorsque Florian de la Salle prend conscience de ce que représente exactement 8848m en parcourant à pied, le chemin entre son lieu de résidence et le magasin Bricoman dans lequel il achète le fil de cuivre, le bois et les étiquettes qui lui serviront à constituer l’œuvre intitulée 8848 m.
Alors, si le travail de Florian de la Salle est déjà en soi un piège à énergie, à quoi peut bien lui servir l’amulette qu’il fabrique avec Galerie Showcase ?
Elle est la condition sine qua none à la constitution d’un passage vers un autre monde, la formule magique qui permet l’ouverture d’une sorte de trou de ver en direction de l’artiste. Car si Florian de la Salle a un temps habité Grenoble, il réside désormais à Poitiers. Et alors que durant six semaines Galerie Showcase s’emplira des énergies des passants de la place aux Herbes, une réplique de ce même espace circulera sur les routes poitevines dans le cadre de l’ANANAS CLUB, un lieu de monstration conçu par Florian de la Salle et prenant place sur le porte bagage de sa moto. Durant six semaines également, la réplique de l’espace grenoblois, accueillera une édition papier constituée d’une partie des 40 000 000 de combinaisons qu’il est possible de fabriquer à partir des lettres qui composent le mot « abracadabra ».
Le problème, mais surtout l’intérêt de cette affirmation tient du fait qu’elle ne peut être vérifiée par le spectateur. En effet, tout comme dans l’expérience d’Erwin Schrödinger dont on ne peut connaître l’issue qu’en ouvrant la boîte dans lequel se trouve le chat, la coexistante des deux volets de l’exposition Abracadabra / Abradacabra, ne repose que sur l’impossibilité d’être observée totalement. Dès lors que le soir du vernissage, le spectateur aura choisi d’être à Grenoble ou à Poitiers, il bifurquera et éliminera par là-même la possibilité de vérifier l’existence de l’autre proposition. Au moment de sa décision, il conditionnera le résultat de sa propre expérience esthétique faisant basculer, de fait, l’une des deux propositions dans un autre possible.
Abracadabra, Abradacabra, Acrabadabra, Arcadabraba, Ababradacra...
1D’après la définition de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des Symboles – mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, Paris, Éditions Robert Laffont / Éditions Jupiter, 2012 (1re éd. : Paris, Éditions Robert Laffont / Éditions Jupiter, 1969).