Maquettes

Maquettes, depuis 1998
Série de sculptures. Tissu, fil, bois, carton, mannequins en bois, environ 35 x 35 cm (chacune)
Vue d’atelier

 

De l’usage de la maquette

Au départ, la maquette était l’œuvre. Il s’agissait pour moi de jouer avec le contraste de la boîte de carton comme objet familier sans valeur d’expérience, et d’un espace qui par la capture du regard englobait le corps tout entier, le projetait dans un lieu et l’isolait.
La maquette commence par la mise en boîte d’espaces accessibles par un trou. Des objets destinés à la tête, des formes à manipuler. Cette miniaturisation où se croisent et se mêlent perpétuellement les notions d’objet et d’espace nourrit mon imaginaire. Peut-être est-ce aussi dans ce qu’elle contient de mobilité et de tension entre la main, la pensée et la réalité. La projection mentale qu’elle suppose implique une frustration liée à l’impossibilité fonctionnelle d’avoir accès à une circulation libre à l’intérieur.
Cette exploration de l’espace s’est progressivement déplacée de la boîte au casque puis au vêtement comme une suite logique du processus. J’aimais cette idée d’enveloppe, de peau comme un intervalle, un passage entre deux expériences différentes du même espace.
La notion de maquette s’est alors glissée dans une autre dimension ; d’œuvre, elle est devenue dessin. Un dessin en volume qui tâtonne et dialogue avec la matière, auquel doit s’ajouter l’espace pour exister. Elle est un premier jeu qui engage l’intuition et parfois évacue une idée qui ne résiste pas au réel. Cette fois il y a un corps.
Les mannequins en bois articulés de 35 cm sont issus du champ d’une pratique du dessin « domestiqué » qui pioche dans une histoire du modèle (à l’instar de Poussin qui utilisait « des petits mannequins » pour constituer ses études {note}1. Retour classique donc de l’usage, qui m’extrait dans l’espace transitionnel du jeu et me renvoie à une proximité de l’enfance faite de tous les possibles, habitée par le désir de prolonger et partager ensuite ces explorations à l’échelle des corps.
Drôles parfois ridicules, complexes, futiles, sérieuses, impossibles immanquablement loin de ce que cela deviendra, si cela devient, les propositions habitent l’atelier.
Un univers parallèle se tisse, fait de porosités étranges avec ses conséquences. Échos de formes, balbutiements, déformations, ébauches les maquettes faites de ce qui a été nourrissent ce qui est en cours et ce qui viendra.

Kristina Depaulis

 

 

Crédits photographiques : Antoine Gatet

©Adagp, Paris

1Delacroix, Journal, 1851, p. 439)