« Le paradigme de l’oasis »

Licia Demuro, 2018

 

La création est un acte multiple et expérimental qui repose principalement sur des phases de recherches, de mise en forme et de partage. Une “résidence d’artiste” telle que conçue par la Villa Belleville permet de rendre compte de cette pluralité spécifique et de la rendre exponentielle dès lors que son espace-temps est partagé par plusieurs identités créatives. De l’espace plus intime de l’atelier à celui collectif dédié à la production des oeuvres, en passant par les lieux informels de la vie courante (cuisine, jardin,…), l’aube d’une communauté éphémère se lève pour prendre place physiquement, conceptuellement et matériellement à l’intérieur d’un territoire préexistant qu’elle vient occuper et façonner à son image.

Ce territoire devient alors un paysage fluctuant et fluide, non normalisé, reflet des énergies spontanées propres à la création. Il s’apparente à l’image d’un oasis où l’art trouverait les conditions idéales pour se ressourcer, s’alimenter, s’accélérer et se propager au coeur d’un désert croissant, métaphore de l’urgence écologique et des modes de vie contemporains fondés sur l’individualisme produits par la société néolibérale. Un oasis où des pratiques lointaines réussiraient à se rapprocher, se rencontrer, se croiser et s’observer, faisant ainsi résistance au phénomène d’assèchement relationnel ambiant. Un oasis où le système de production artistique actuel, qui repose en grande partie sur une économie de l’échange et de l’entraide, peut se développer pleinement.

L’exposition explore la porosité et le statut de cette communauté créative et mouvante qui bientôt disparaîtra pour laisser la place à celle suivante. Par conséquent, le geste curatorial a consisté à fédérer les 14 artistes issu.e.s du cycle de résidence, à travers la mise en place de plusieurs rencontres ayant permis d’ouvrir des espaces-temps de discussion et d’échange pour penser et construire collectivement l’exposition. Ainsi, l’élaboration et l’accrochage des œuvres retenues par la communauté résultent d’un croisement pluriel et horizontal des regards portés sur les pratiques très hétérogènes développées par ses membres, allant de la vidéo et la photographie à la peinture et l’installation, en passant par la performance, l’édition et le dessin.

Dans le prolongement naturel de la résidence, au cœur même de la nature communautaire de cette expérience vécue par les artistes, l’exposition engage un temps de réflexion partagé autour de la raison d’être du commun aujourd’hui, à l’échelle plus large des individus au sein de la société comme à celle plus réduite des artistes au sein du système de l’art.

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