Bizarre, étrange, chelou

Diego Bustamante, 2019

 

Camille Beauplan est une peintre. Ses peintures sont résolument des œuvres figuratives et réalistes. À la fois classique et actuel, le travail de Camille Beauplan regarde le monde d’aujourd’hui en s’autorisant autant de figurer des instants personnels dans des espaces intérieurs, que des moments que beaucoup d’entre nous ont vécus, dans des espaces communs et ouverts au public. Entre un travail poétique et journalistique, entre l’imagerie d’un quelconque blog ou compte instagram et la peinture historique, Camille Beauplan peint non pas pour garder des souvenirs, mais bien pour évoquer et partager son rapport à l’urbanisme, à l’architecture, au design, à l’histoire de l’art, domaines dont nous aurions aimé qu’ils soient au service du bien-être commun, du beau, de l’éthique. Il n’y a aucune mise en scène dans les images qu’elle propose, ce ne sont que des instants et des points de vue que Camille Beauplan a vécus. Le fait de les avoir appréhendés physiquement joue un rôle important. Ses tableaux sont autant de témoignages de ce qu’elle nous donne à voir. Le dénominateur commun de chacun des tableaux de Camille Beauplan est la présence d’au moins un détail troublant, fragment irrationnel d’un monde, que nous semblons tous partager sans pour autant systématiquement le remarquer. Ces mêmes détails qui peuvent gratter, comme une note de musique mal jouée, comme un glitch bien tangible, deviennent alors une évidence dans les tableaux de Camille Beauplan. Ces moments et ces images sont tous inhérents à notre présent, irréalistes comme la retouche exagérée d’une image numérique, et artificiels comme la peinture acrylique que Camille Beauplan utilise.
La couleur est séduisante, comme elle l’a toujours été.
Cette séduction serait-elle une façon d’embellir le monde en y ajoutant une image de son état ? Camille Beauplan ne peint pas de sujets politiques, elle n’ajoute pas de pathos à son travail, c’est une manière de conserver son attitude qui se promène entre légèreté et sérieux. Cette même attitude lui permet de faire cohabiter dans son œuvre des images qui relèvent à la fois du loisir et du travail, du mondain comme du populaire, de l’art majeur comme du décoratif kitsch, de l’Histoire comme de l’anecdote.
L’Homme dans sa recherche de transmission a toujours eu l’urgente nécessité de regarder ce qui l’entoure et de le retranscrire par l’image ou l’objet grâce aux outils disponibles.
De Gustave Caillebotte à Yves Bélorgey, Camille Beauplan fait partie de ces artistes qui soulignent grâce au tableau des détails signifiants de la société à la fois dans son architecture et son urbanisme, mais aussi comment ces espaces sont habités, inhabités, décorés ou construits, le plus souvent sans consultation de leurs usagers et qui pourtant ont de grandes conséquences sur leurs quotidiens.

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