« Mieux vaut une langue sage que des cheveux bien peignés. »
Dicton islandais
Le dessin est un des médiums privilégiés de Ghislaine Portalis. Toujours accompagnée de son carnet, elle note, dessine, croque, relève tout ce qui pourrait nourrir de futurs projets. C’est ainsi que, depuis le début des années 2000, elle a étudié et relevé les différentes coiffures et perruques que l’on trouve dans l’Encyclopédie publiée sous la direction de Diderot et d’Alembert entre 1751 et 1772. Depuis lors, elle a continué à se passionner pour les coiffures, postiches et perruques, non seulement pour leurs formes et leurs textures mais aussi pour les différentes manières de les assembler et pour leur symbolique qui change en fonction de leur origine géographique.
Ghislaine Portalis met en scène avec humour la coiffe et le cheveu vrai ou faux, proposant un voyage entre l’Afrique contemporaine et le monde précieux et érotique du XVIIIe siècle, ponctué par quelques objets insolites.
« Les chefs-d’œuvre ressemblent aux perruques : pas un cheveu ne dépasse. »
Paul Dermée
Ses perruques du XVIIIe siècle entraînent le regardeur dans un monde étrange et onirique : dessins de très grandes dimensions, au feutre blanc ou noir, au pastel gras ou piqués à l’aiguille, tels les poncifs que font les couturiers pour inscrire des formes sur un tissu. Sur papier aquarelle, sur alèse rose en latex d’une sensualité insolite, ou sur tissu non tramé, ces dessins évoquent alors le duveteux et le soyeux des cheveux, tout en restant énigmatiques, difficilement identifiables, entre figures érotiques et objets sophistiqués. Le Mobilier National a commandé deux grandes dentelles, réalisées par les ateliers du Puy-en-Velay et ceux d’Alençon à partir de dessins de perruques piqués à l’aiguille. Ce ne sont plus des dessins, mais des interprétations manufacturées, des objets baroques, somptueux, troublants par l’extrême méticulosité de leur exécution.
Elle réalise des cabinets de curiosités à l’aide de petits dessins et objets en papier à l’allure érotique étrange et angoissante. Des chapeaux plantés de milliers d’épingles de couturière tournées vers l’intérieur, chapeau noir de femme usés par le temps et les histoires, petit chapeau noir posé sur un petit trépied en porcelaine de Sèvres, copie de celui soutenant le célèbre bol-sein de Marie-Antoinette. Objets tout à la fois familiers, effrayants et fascinants par la forêt d’aiguilles métalliques dont les reflets soyeux rappellent la fourrure des objets de Meret Oppenheim.
« On ne tresse pas le cheveu d’un absent. »
Dicton malien
Le monde de Ghislaine Portalis est peuplé de fantômes qui nous laissent non pas leur ombre mais leurs cheveux. Ils nous racontent de nombreuses histoires, nous entraînant dans le monde sophistiqué et onirique des princes et marquis du XVIIIe siècle et dans celui très codé des ethnies africaines, où chaque coiffure permet d’identifier la nouvelle mariée, la femme libre ou la veuve.
Ses dessins et ses installations, que l’artiste nomme Trichos – terme grec désignant tout ce qui a un rapport avec les poils, les cheveux et même les cils –, sont d’une certaine manière des allégories complexes de la beauté, du luxe, de la recherche de l’esthétique dans ce qu’il y a de plus intime.