La caractéristique première du travail de Ghislaine Portalis, celle qui s’affirme comme une constante depuis le début de ses activités, est le recours au papier peint. Papier blanc gaufré qu’elle repeint ou papier aux motifs imprimés utilisé tel quel, le matériau est source de possibilités nombreuses révélées par l’artiste. La production artisanale du papier, les traces vermiculées peintes à la surface, les déchirures, les superpositions, l’empilement des lés de papier, la répartition des rivets sur des motifs de capiton insistent sur la répétition des tâches, métaphore des ouvrages domestiques quotidiens qui emploient la femme à la maison. Il évoque, plus intime ment les espaces clos où règnent le confort et la sensualité, où dominent l’idée de mystère et l’appréhension. Ces sentiments que l’artiste imprime à ses travaux contrastent à peine avec l’ordonnance minimale qui préside à la mise en forme des oeuvres. Beaucoup d’entre elles par exemple procèdent de la répétition d’un même élément carré, un module de 26 cm de côté, constitué de feuilles de papier gaufré empilées, reliées à un support en bois par un boulon. Ce « pavé » ainsi que le dénomme l’artiste est la partie multipliée d’une série d’œuvres aux contours simples, géométriques dont l’existence dépend du lieu d’exposition.
Les œuvres obtenues à partir de l’addition de modules sont parfois apparentées à des éléments de mobilier. Ainsi Porte capitonnée réalisée en 1990-1991 pour l’Atheneum de Dijon est composée de 32 pavés accrochés au mur en touche-touche, séparés par un faible intervalle régulier. Les plis creusés par chaque boulon central, la forme rectangulaire de l’ensemble, les proportions, la station au sol justifient la désignation du titre. Les oeuvres de cette série ont un statut ambigu et marquent un changement dans le travail de l’artiste. Elles restent attachées à la peinture dont elles dérivent tout en annexant une autre catégorie, celle du relief. Ce déplacement s’opère par le morcellement de l’œuvre en parties distinctes, elles-mêmes dégagées du mur par l’épais support de bois. C’est par ce passage de la planéité au relief que l’artiste en vient à aborder la question du mobilier.
La relation saisie entre la sculpture et le mobilier définit les dernières recherches de l’artiste. Ses œuvres récentes n’entretiennent pas pour autant un rapport mimétique au meuble, elles inscrivent cette analogie au registre d’un traitement spécifique de l’espace où interviennent des notions d’intimité, d’intériorité et de décor. Par une disposition appropriée dans l’espace, les volumes accrochés haut sur la cimaise ou posés au sol contre le mur, offrent une parenté avec des objets qui, dans le monde et dans l’histoire invitent au bien-être du corps. Ghislaine Portalis évoque des images, pas seulement comme références iconiques mais pour rappeler le lien entre le corps, son environnement mobilier et la pensée. Elle cite par exemple la Villa des Mystères de Pompéi, en particulier la scène où l’on voit une femme accoudée sur une pile de coussins, les étoffes entassées, repliées soutiennent la matrone pensive et mélancolique, épousant les formes de son corps.
Dans ses dernières réalisations, Ghislaine Portalis a abandonné le support en bois pour introduire des éléments de souplesse, en repliant sur elles-mêmes les feuilles de papier entassées. Les courbes, les enroulements imitent aussi bien les plis des drapés que les volutes architecturales, ils évoquent les caprices de la nature. Dans les replis, le creux appelle au calme, au silence, à la tristesse solitaire. Une sorte d’excès étouffé. L’art de Ghislaine Portalis rappelle au fond, dans une formulation contemporaine le cheminement entre l’espace mental et son univers intime et privé qui en est souvent le prolongement et le confident. De l’intérieur à l’intériorité.