Diplômée de l’université des arts de Belgrade et professeure aux Beaux-Arts de Sarajevo, Radmila Jovandić Dapic développe une maitrise absolue des techniques traditionnelles de la gravure dès les années 80. Elle bénéficie à cette époque d’un véritable soutien des institutions culturelles d’ex-Yougoslavie. L’obtention de bourses et de résidences à l’étranger (Paris, Londres, Prague) lui permet d’exposer et de diffuser ses œuvres à l’échelle internationale. Une période intense durant laquelle, elle forme de nombreux.ses artistes tel.les que Maja Bajević. En 1992, la vie et la carrière de l’artiste se trouvent bouleversées par la guerre de Bosnie. Quelques mois après le siège de Sarajevo, Radmila Jovandić Dapic s’expatrie en France. En 1996, elle s’installe à Limoges avec la bienveillance de mécènes. Une aide déterminante grâce à la mise à disposition du stock perpétuel d’une papeterie-cartonnerie et d’un atelier : l’aventure papier commence.
À quarante-six ans, l’artiste repart de zéro. L’absence de contrainte génère et libère de nouvelles compositions hors du cadre. En suspension dans l’espace et dans le temps, les volumes prennent corps, se forment et se transforment, au gré des heures et des saisons : la lumière fait le dessin. En mouvement et en réaction, le papier dirige les recherches de Radmila Jovandić Dapic. Elle attribue au médium la capacité d’exprimer en toute sobriété le caractère solitaire et éphémère de l’existence, et se joue avec distance et élégance de cette ambivalence. Par le choix et le traitement des matériaux, elle créée la confusion. Ses œuvres sculptées, gravées ou dessinées, sombres et réjouissantes, convoquent les paradoxes de nos êtres par leurs allures froides et rigides, pourtant si douces et poétiques dans leurs poses délicates. L’expérience de la gravure reste omniprésente dans son approche plastique et esthétique de la matière. Le cutter remplace le burin, perce la surface et esquisse des architectures dont les contre-formes dévoilent la dualité, entre l’objet désiré et l’objet suggéré, jouée par le va-et-vient du vide et du plein.
Radmila Jovandić Dapic brave l’éloignement et perpétue le souvenir par la reproduction de mouvements quotidiens et d’objets familiers. À travers des séries de formes répétées, multipliées, superposées, et organisées, un lexique aux nombreuses variations se constitue et suscite l’imaginaire balkanique d’une société mise sens dessus dessous. La mémoire du papier et de l’artiste se mêlent dans les géométries et les courbes de leurs corps périssables dont les chorégraphies déployées à l’atelier disparaissent dans les carnets de dessins. Là où le flottement et le creux des corps subsistent, c’est la paresse de moments sensuels et lascifs qui dirigent la main et mènent la danse. Notre regard bascule alors dans la poursuite intuitive de lignes animées par un trait fin et léger.
Radmila Jovandić Dapic nourrit sa pratique des livres dont elle aime s’entourer et note précieusement les phrases qu’elle pourrait formuler si la barrière de la langue n’existait pas. Ses œuvres sont exposées en Allemagne et aux États-Unis, elles font partie de collections publiques telles que l’Académie des sciences et des arts à Zagreb ou la Galerie nationale des beaux-arts de Bosnie et Herzégovine à Sarajevo, et restent à ce jour trop peu visibles en France.