Sabine Delcour pose la question du lieu et, dans toute son œuvre, cette question ramène à la ressource infinie d’un fond inépuisable qui empêche de la réduire à une évidence circonscrite. L’idée même de représentation se propose dans une sorte de proximité distante avec le réel, comme si l’accès à cette qualité de présence ne pouvait se livrer pleinement qu’en se retirant dans une profondeur à conquérir.
L’image ne s’épuise pas dans l’immédiateté de sa surface. Elle se déploie au contraire au-delà de ce qu’elle désigne d’emblée : des architectures, des chemins et des sites géologiques. Elle se creuse d’une disponibilité à d’autres sollicitations, qui l’ouvre à ce mélange fécond de détermination et d’indétermination, de reconnaissance et d’attente. Cette ouverture n’est pas celle d’une énigme qu’on pourrait peu à peu éclaircir et résoudre, mais celle d’une interrogation qui éveille le visible à des possibilités nouvelles de sens. Ainsi s’ordonne la matérialité identifiable d’un espace aux multiples suggestions sensorielles et résonances imaginaires. Voici les figures avancées de ce phénomène d’urbanisation qui suscite l’émergence d’autres formes de contamination, mais aussi de fiction. Voici cette empreinte du passage, saisie dans son élan de simplification et de réconciliation, qui refuse toute idée d’aboutissement. Voici cette masse minérale marquée par son souci originel et la répétition des anciennes alliances, qui aspire à se dégager et à se distinguer de tout ce qui la bloque et la pétrifie. Cet état à l’épreuve de ce qui se nomme sans céder à la facilité, et de ce qui se prolonge, se remet en jeu dans un incessant renouvellement, doit peu au dépaysement et moins encore à l’anecdote. Il provient de la superposition de deux regards, l’un lié à la circonvolution, l’autre à la densification.
La circonvolution s’effectue par l’intermédiaire du corps en action dans l’espace et confère à cette expérience au contact des matières rencontrées une vive capacité à sentir et à ressentir.
La densification cherche à rendre compte de la richesse des parcours et de l’immersion, et appelle à la concentration des différents éléments qui composent ce territoire arpenté et de tous les récits qui pourront y trouver leur place.
Sabine Delcour a d’abord besoin de s’inscrire dans un mouvement, celui de la marche bien sûr, mais aussi celui d’un imaginaire pour faire son chemin au-delà d’un assemblage de lignes et de volumes. Elle a aussi besoin d’arrêter une image, de décider de son cadre et de ses implications, et de faire halte entre le temps du paysage vécu et celui de la représentation. Comme il arrive au marcheur d’interrompre son pas pour mieux prêter attention à la pierre qu’il a ramassée et qu’il conservera comme l’écho singulier de sa marche. Ces moments dédiés à la déambulation, la rencontre et l’échange, à l’élargissement, l’enregistrement et la libre incursion ne s’effacent pas les uns les autres mais s’ajoutent et s’associent étroitement les uns aux autres tout en s’inscrivant fortement dans une participation active au monde.