Nicolas Milhé a déjà inscrit un mot latin en lettres de lumière dans les ciels de Paris et Bordeaux, bâti des pyramides, mais aussi orné d’or la mâchoire d’une hyène. Chaque fois des gestes forts qui font image. Toujours inscrites dans le réel, ses actions magnifient symboliquement des problématiques universelles et atemporelles. Sa pratique artistique n’est pas revendicative, elle est là pour écarter les murs, agir sur le réel en réactivant les consciences politiques.
Pour son exposition monographique dans le cadre du Printemps de septembre, Nicolas Milhé choisit comme référence tutélaire le couple de révolutionnaires formé par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, fondateurs de la ligue spartakiste qui pendant et à la fin de la première guerre mondiale fit souffler un vent de révolte sur l’Allemagne vaincue.
Présence iconique de cet esprit politique contestataire dans l’exposition, leurs portraits semblent porter un regard désabusé sur l’ensemble sculptural qui se déploie ici.
Pièces à l’aspect minimal, les trois éléments aux échelles troublantes forment une vanité socialisée, explicite et intemporelle qui sort du cliché désincarné de la sempiternelle boite crânienne. Je ne peux pas dévoiler ici et maintenant ce que ces maquettes brutales aux finitions partielles symbolisent, mais Nicolas Milhé manipule ici un rapport au temps, à la représentation schématisée et violente du parcours de vie d’un citoyen lambda de la fin du XIXe à nos jours.
La vie dont parfois certaines routines s’approchent au plus près des tortures les plus raffinées faisant résonner l’horreur absolue engendrée par le temps carcéral, les rythmes imposés, le chemin tracé tout droit jusqu’au tombeau {note}1.
Installation violente par sa simplicité matérielle qui allie le sens à la présence plastique, l’Histoire ici est vue par le prisme des jeux de domination qui, de l’Antiquité à nos jours, a sans cesse engendré des mouvements de révolte qui s’ils aboutissent rarement au changement, permettent toujours aux hommes de conserver une lueur d’espoir symbolique qui permet par exemple à l’art d’exister malgré le magma consumériste dans lequel il s’ébat.
« Parce qu’il [Spartacus] est celui qui exhorte les révolutionnaires à agir, parce qu’il est la conscience sociale de la révolution, il est haï, calomnié, persécuté par tous les ennemis secrets et avérés de la révolution et du prolétariat. Clouez-le sur la croix, vous les capitalistes, les petit-bourgeois… »
Rosa Luxemburg, Que veut la ligue spartakiste.
1D’après Spartacus, gladiateur qui mena une révolte d’esclaves à Rome aux alentours de -73