« Sans réserve »

Romain Salomon, 2012

D’un point de vue technique, le terme de RESERVE dans les Beaux-arts définit l’espace laissé vierge par l’artiste.



D’un point de vue géographique, il définit un territoire au périmètre bien précis. D’un point de vue humain, il définit un caractère timide.



Le travail de Michel Herreria prend le contre-pied de ses différentes définitions pour créer une œuvre sans barrières, sans tabous, sans hiérarchie des genres et des sujets.

Avec beaucoup d’humour, cet artiste est en rapport direct avec la société et ses maux. Il trace une construction de la pensée commune et personnelle par l’intermédiaire d’un personnage apparu sans préméditation. Commun à tous ses dessins et peintures, cet inconscient de l’artiste représente un protagoniste portraituré d’un seul trait, simple, inexpressif, sans attributs sexuels, avec une tête bien ronde et un long nez. Représentatif de l’humain, il est positionné et malmené dans des situations publiques et politiques, orchestrées par la pensée de l’artiste.



Par prolongation de ses membres ou en tant que participation active ou passive, son protagoniste est au cœur de machines. Le trader idéologique plein de croyances et de convictions achète et vend des actions. Cet homme est déshumanisé, ses échanges sont standardisés au point de le positionner à un degré inférieur à l’industrie. Les fonctions sont inversées, l’humain devient un rouage mécanique et a désormais besoin de la machine pour fonctionner.



Ses peintures sur papier, semblent être réalisées dans une logique de construction où la ligne dessinée et écrite se fait au fur et à mesure de la réflexion. Le langage rendu en partie par l’écrit se traduit par des notes et des listes de mots énumérant ses pensées sur une réalité donnée. Ces annotations importantes pour Herreria sont comme une démonstration sur un tableau noir. Le titre écrit en gros de manière lisible et illisible s’explicite ensuite par un raisonnement logique et illogique à la fois. Les idées se bousculent, sont griffonnées et rayées, se complètent et s’opposent. Les phrases telles que « dérouler le monde », « un discours qui file le monde » et « Rouler le monde » se finalisent par le fileur de compétences.



L’esthétique de la pensée de Michel Herreria est celle d’un questionnement sur la vie. Posée sur le papier, sous la forme d’une ligne fixe ou animée, sa pensée est action. Par sa fonction plastique et théorique, la ligne confère une identité à son dessin. Elle est rature, délinéament des aplats de couleurs et elle sert de lien à différents évènements. Déviant, hors cadre, son art transpire la vie et les faits sociaux.



« Sans réserve », Michel Herreria se trouve donc dans un interstice, en tension entre des propos de constat et/ou de dénonciation purement politique et un art qui manie le climat ambiant de notre société. 


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