Mangrove, est le titre choisi par Laurent Le Deunff pour sa première exposition à la galerie La Mauvaise Réputation.
Né en 1977, il vit et travaille à Bordeaux. Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Bordeaux en 2001, il a participé à de nombreuses expositions collectives notamment à l’exposition Dynasty au printemps 2010 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris et au Palais de Tokyo qui regroupait la scène artistique émergente des années 2000. Depuis, ses oeuvres sont présentes dans plusieurs collections publiques et il a fait de nombreuses expositions personnelles. Il est représenté par la galerie Semiose, Paris.
Laurent Le Deunff travaille essentiellement avec des matériaux issus de la nature, privilégiant le bois dont il livre des sculptures qui par leur fini s’apparenteraient, dans certains cas, à des formes qui oscillent entre objets d’art, objets manufacturés et objets d’artisanat. Il aime établir un dialogue entre le dessin, la sculpture et l’espace d’exposition. Quand nous lui proposons notre nouvel espace, son éclairage lumière du jour, son sol couleur sable, il décide de le transformer en une sorte d’aquarium où de drôles de spécimens évolueraient, se camoufleraient, surgiraient, ramperaient ou grimperaient. Avec Mangrove il nous donne à voir un écosystème où les formes, les espèces sont de saisissantes juxtapositions de sculptures (nouvelles et anciennes) d’animaux marins, terriens, marriens ou terins, bref, d’étranges bestioles. Un tissage de formes aux temporalités éloignées qui semblent ne pouvoir se développer que dans cette zone de balancement fragile entre le réel et l’imaginaire créé par Le Deunff au 10 rue des Argentiers.
L’artiste, taille ou modèle des formes combinant l’animal et le végétal en suivant approximativement les techniques du bestiaire, mais celui-ci est transgenre, il appartient aux Inuits, aux civilisations précolombiennes, au Moyen Âge, bref, il est celui des formes vernaculaires de l’imaginaire de l’humanité auquel vient se rajouter un brin d’esprit déjanté. « Pour Laurent Le Deunff le choix du matériau induit le sujet réalisé (un os en albâtre, une massue en bois à la matière mise à nu). Les motifs s’inspirent très largement de ceux issus de la nature (feux de camp, animaux, tente, grotte...) et demeurent sa source principale d’investigation à l’encontre de la prolifération de signes et de matériaux provenant de nos sociétés post-industrielles. L’accessibilité du travail de Laurent Le Deunff cache cependant les enjeux esthétiques qui sont au cœur de sa sculpture et il serait erroné de n’y voir qu’une reprise de motifs populaires remis à un certain goût du jour. La lecture de l’œuvre s’avère, au contraire, bien plus complexe. » Valérie da Costa.
Au sol de la galerie, un long nœud de trompes, composé de six éléments, fragments autonomes et solidaires d’une forme animale monumentale ici démembrée, se déploient à l’horizontale, traversant l’espace dans lequel ils apparaissent en attente. Sortes de nœuds marins, pachydermie aquatique, entrecroisements oisifs, ils posent silencieusement, alors que leur voisine, une tête de requin en bois brut surgit du sol. Plus loin, une queue de baleine, à ses côtés, un ours à queue de poisson à moins que ce ne soit un poisson à tête d’ours se pose tranquillement à l’ombre d’un petit arbre à chat {note}1 fait de coquillages blancs. Avec Laurent Le Deunff la sculpture s’évade du socle et de l’éternité pour prendre le souffle, la respiration, la précarité du vivant.
Au fond, dans l’alcôve une série de dessins au fusain déploient leur paysage graphique délicat. Paradoxale, narrative, évidente, vibrante, charnelle, Mangrove, est un marécage où grâce à l’artiste le réel se hausse d’un ton.
1Sculpture inspirée par la fleur du Magnolia acuminata appelé aussi arbre à cornichon, une des plantes à fleurs les plus primitives. L’assemblage des pièces qui la composent (cornichon, coquilles de mollusque, massue, pied de sapin de Noël) reprend librement la structure d’un arbre à chat.