Depuis plusieurs années, Pierre-Lin Renié accumule des images venues de multiples sources et puise dans ce vivier pour composer des séries tendues entre quête poétique et interrogation du réel. Il dénoue ainsi une écriture constamment en déplacement et en ajustement où s’éprouve le passage du temps et s’agite une sorte d’inquiétude intérieure. Cette exposition rassemble des Portraits repérés sur des emballages de produits alimentaires, puis scannés, recadrés et agrandis. Simples vignettes pour authentifier la qualité du produit, ces visages de paysans et d’agricultrices redeviennent alors des êtres vivants, chargés d’une vraie présence. Ils sont placés à bonne distance, ni trop près ni trop loin, dans une proximité qui dépasse le caractère circonstanciel mais tout en respectant une part secrète. Débarrassés de l’emprise du marketing, les portraits se prêtent volontiers à la spontanéité de la découverte et s’ouvrent à la fragilité offensive de l’existence. Pierre-Lin Renié s’inscrit ainsi dans un processus d’extraction et de régénération. Les images sont détachées d’un contexte pour être confrontées à différentes étapes d’approfondissement, comme une forme de décantation à travers l’exigence d’un exercice de dévoilement d’une nudité. Ainsi libérées, elles reprennent une densité et une subjectivité sur fond de résistance à leur effacement programmé par l’agressivité d’une rentabilisation sans concession. Soudain, une autre dimension émerge, celle de la lumière d’un partage possible.
Junkpage, n° 111, avril 2024