Aborder cette œuvre, c’est plonger dans un univers étrangement mouvant, proliférant, et donc voué aux débordements et aux outrances. Il montre une violence dissimulée mais d’autant plus menaçante qu’elle semble prête à se déchaîner au moindre prétexte. C’est aussi pénétrer une trame dense, ourdie avec soin dans ses moindres détails. Les repères traditionnels n’ont presque plus cours. Couleurs et matières, circulations et concrétions se rejoignent, s’ouvrent à l’interprétation vertigineuse et mènent aux confins de l’intelligible et de l’identifiable. Dans ces conditions, le sens se fait problématique, imprécis, indécis. Anne-Marie Durou souligne les fractures, les frontières, les lisières qui séparent réalité et fiction, naturel et artificiel, fulgurance et folie, pour mieux les brouiller, les effacer. Elle convoque, avec vigueur et rigueur, un espace d’incertitude, une image qui se fait lumière aveuglante, intrigante. L’exigence devient ainsi nécessairement grotesque et entretient la confusion. Le grotesque produit une véritable déformation dans le visible. Mais cette déformation n’est en aucun cas basculement dans l’opacité, le négatif ou l’informe. Au contraire, elle agit comme un révélateur. Anne-Marie Durou refuse de se laisser prendre au piège d’une forme rigide, contraignante. Elle tend à dépasser les limites, les cadres, et dépasser, c’est pour elle imposer une forme fascinante, dérangeante, en dehors de toute issue, de l’imposer sans qu’une explication quelconque puisse lui donner un supplément de présence. C’est se placer sous le signe incisif du mystère évident. Dépasser revient à creuser le signe, à créer un espace de jeu entre le signe et le sens. L’enjeu, c’est la révélation d’une signification en mutation, en mouvement.
Grande-Mâche, 2008 .
Œuvre réalisée avec le concours de la DRAC Nouvelle-Aquitaine - Aide à la création 2007.