Anne-Marie Durou

Daniel Bost, Dominique Chambon - Collectionneurs, 2009

Anne-Marie Durou est presque toute entière dans son œuvre tant elle ne semble vivre que pour son art, et parler d’elle pour nous ses collectionneurs, revient à déchiffrer ce qu’elle nous dit au travers de sa production artistique et à analyser les émotions et les sentiments que nous inspirent ses œuvres.

La féminité certes, et ce tricotage qui évoque tant nos souvenirs d’enfance et nos grand-mères, les aiguilles toujours en main. Images de travail tranquille et serein au coin d’une cheminée ou à l’ombre des arbres en été. Ces clichés ne semblent pas, pourtant, s’appliquer à Anne-Marie tant on ressent quelque chose d’obsessionnel dans son travail, où la sérénité se transformerait en rage et la tranquillité en course effrénée. Comme s’il fallait aller toujours plus loin, comme s’il était impossible de finir, d’achever, de trouver la plénitude du travail enfin accompli.

Ce « travail » demande une énergie considérable qui contraste énormément avec l’apparente fragilité de l’artiste, c’est la passion qui lui donne la force. Anne-Marie Durou parle peu de son œuvre ou plutôt hésite à en parler, comme si elle s’excusait de le faire tant elle a l’impression que ses idées sont étranges voire incongrues dans la société où elle vit et comme s’il y avait là, de toute façon, quelque chose d’inexprimable.

Pourtant ce qu’elle crée parle pour elle et nous dit, par exemple, que tout est dans tout et tout est dans chaque partie et qu’à force de regards, on pourrait bien être emporté dans une sorte de vertige comme lorsque l’on s’étend sur le sol, un soir d’été, les yeux dans les étoiles.

Bien sûr elle parle d’amour, comment pourrait-il en être autrement ? Un amour fait de confidences discrètes, de secrets intimes dévoilés à l’abri des regards dans un nid douillet qu’elle aura tricoté elle-même. Mais attention, il y a quelque part un endroit inaccessible et dangereux où il ne faut pas aller, sous peine que je te morde et que je te transperce de mes aiguilles. Comme Mâche !, je suis toute rouge pour que tu saches qu’il ne faut pas me dévorer.

Dualité, douceur et violence, caresse et morsure, attirance et répulsion, dans tout son travail Anne-Marie joue de cette ambivalence ou bien ne laisse apparaître qu’une partie d’elle-même, laissant l’autre dans l’obscurité. Jeu de cache-cache truqué, de toute façon vous ne saurez jamais qui je suis, ce n’est pas cela qui importe !

Car malgré les apparences Anne-Marie Durou est réaliste, ses yeux sont grands ouverts et ce ne sont que des images de la réalité qu’elle veut nous montrer. Or seul le doute est réel, elle nous invite donc à remettre en cause nos certitudes, ce que nous croyons voir n’est pas forcément ce que nous voyons, ce que nous croyons ressentir n’est pas forcément la juste sensation, le juste sentiment. Ainsi derrière l’amour souvent la haine, derrière la haine pourquoi pas l’amour ?

Ce qui caractérise Anne-Marie, c’est cette simplicité, dans le meilleur sens du terme, qu’elle a dans ses relations avec les autres et cette humilité qu’elle a face à son travail. Souvent inquiète, toujours en recherche, une sensibilité qui n’appartient qu’à elle, sans aucune mièvrerie, une force fragile qui hésite à se dévoiler.

Une équilibriste réaliste, la tête dans les étoiles, gracieuses sur son fil, elle avance doucement vers son but entre certitude et incertitude. Parfois elle tombe sur la terre « ferme », mais elle remonte, jour après jour, comme si elle y jouait sa vie.

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