Anne-Marie Durou applique la théorie de l’écart entre ce qui est attendu et ce qui existe. Déroutant la vision par des perceptions « in-attendues », elle guide l’attention vers des axes au-delà de l’apparent et de l’immédiat. Le spectateur est ainsi projeté dans une nébuleuse temporelle et spatiale, souvenir ou rêve qui peut rappeler des situations vécues ou des objets vus, dans un flou fertile en sensations. Un dépaysement s’opère, la composition devient exotique au sens étymologique « de l’extérieur », autre et étrangère, donc chimérique. Les objets créés donnent à voir des lignes que l’œil décrypte comme une figure architecturale combinant en un même instant profondeurs et reliefs ; de la surface apparemment plane surgit une dimension « infra-mince », où des espaces multiples et paradoxaux interrogent le regard. Les réalisations se déclinent sous forme de sculptures, dessins et gravures, alliances de matériaux de haute technologie et de matières traditionnelles, dont le résultat se situe à la frontière du naturel et de l’artificiel : le tricot, le cuir et la fourrure sont employés au même titre que le silicone, le Lycra ou le Corian, ces derniers aptes à des formes « in-envisageables » a priori et déclinables à l’infini. Ce travail questionne les processus de métamorphose et d’extension, interpelle l’imaginaire à partir de la surface de l’œuvre pensée comme une peau, devient source de formes novatrices de représentation du monde.