Florent Contin-Roux

vu par

Camille Paulhan

La peinture est sobre, et l’objet...

La peinture est sobre, et l’objet qu’elle représente mystérieux, avec ses faux airs d’araignée cyborg : Le musée des musées (microprocesseur) (2007) pourrait servir de point de départ à l’œuvre de Florent Contin-Roux, lui qui aime tant piéger les images sur ses toiles. Des images de toutes sortes d’ailleurs : chipées sur Google, découvertes au sein d’archives familiales, saisies par lui à l’heure bleue, confiées par des amis… Mais son appétit pour les images n’est pas glouton et irraisonné. Au contraire, ce sont des choix précieux et précis qui sont à l’origine de son travail, et qui se dévoilent dans des peintures dont les formats révèlent le caractère intimiste.
En effet, l’écran d’ordinateur, qui est devenu bien souvent aujourd’hui le premier mode d’accès aux œuvres, trahit quelque peu celles de Florent Contin-Roux, si l’on ne prend pas garde à leurs dimensions.
Certaines ne dépassent pas le format 10x15 cm, les plus grandes excèdent rarement le mètre de long. On ne dira plus que la peinture d’histoire se doit d’être monumentale : le champignon atomique d’Hiroshima, l’incendie du Zeppelin, l’assassinat de Kennedy, le hissage du drapeau rouge sur le Reichstag sont considérés par l’artiste comme des icônes, et de ce fait traités avec minutie et dévouement. Les paillettes remplacent parfois chez lui le fond d’or, histoire de rappeler que l’époque s’éloigne du caractère rassurant d’un Eden uniforme pour aller vers le morcellement des lueurs.

Florent Contin-Roux accorde d’ailleurs autant d’importance à ces représentations désormais célèbres dans l’imaginaire collectif, qu’à celles issues de son environnement familial. Lui dit que le point de départ de sa peinture est toujours le personnel, accepte la dimension conceptuelle du travail mais refuse que l’on en réfute la part émotionnelle. C’est l’histoire de l’homme qui trouve chez son grand-père des photographies qu’il pense sur le moment appartenir aux livres et à la grande histoire, et qui se rend finalement compte que cette dernière n’existe que par fragments destinés à n’être jamais totalement recomposés.
Alors, puisque toute représentation peut potentiellement se mêler à ce vaste puzzle nécessairement parcellaire, la tondeuse à gazon, la tente de camping, le jouet Playmobil prennent place dans l’imagerie de Florent Contin-Roux avec la même gravité. Récemment, l’artiste a cherché à mettre à distance la photographie, qui l’a tant accompagnée à ses débuts, et qu’il a toujours souhaité dissoudre, noyer, fumiger. Le corps, qui apparaissait comme un fantôme dans ses premières peintures – corps en observation depuis la fenêtre d’une voiture ou d’un train en marche, corps contemplant le paysage assis sur une chaise de jardin en plastique… – se fraie désormais une place. Des ombres pâles aux contours violemment brossés, parfois maculées du rose fluo cher à l’artiste, émergent sur ses toiles. Pas les visages, pas encore. Peut-être plus tard, mais pour l’instant sa peinture est trop pudique pour s’y frotter.
Lui, toutefois, se risque à la performance depuis peu ; « risque », parce que la peinture est un engagement total. La métaphore martiale, il l’assume : peindre, c’est combattre, s’épuiser, chasser. Dans L’acte de peindre (2019), il a percé d’une flèche une de ses anciennes Nocturne. Touchée au cœur des nuages bleutés, à la brunante. Même pas peur d’attaquer la mélancolie. Alors oui, pour Florent Contin-Roux, la peinture est sans doute la seule prédation qui vaille.

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