Sophie Mouron : Dessin dans l’œil

Christophe Massé, 2020

Bien entendu ici surtout, ne pas avoir l’outrecuidance de parler du travail récent de Sophie Mouron à/et pour LaLuetteGalerie Bordeaux comme si il pourrait s’agir d’une mission retraçant un périple d’années de labeur et de discipline partagé autour de la ligne, son espace intrinsèque, les rebondissements dans la génèse, son attrait in situ, sa capacité à déformer la vision du monde, l’habitude à brûler le point de vue, comme celle permise pour oblitérer les densités des horizons ou de contrarier les perspectives élémentaires des lieux, du cadre de vie, de la force des architectures urbaines. Mais un temps se placer là et regarder fuir les comètes prises sur l’iris, puis s’orienter dare-dare vers la multiplicité des positions, ainsi retrouver et acquérir ou se réapproprier l’expérience du plaisir. Petit temple de la ludique proposition en somme ; mais pas que. Nous y sommes ! Nous sommes face au placard, les portes sont grandes ouvertes, et les possibilités s’avèrent immenses comme dans les studios à l’heure de l’effet spécial.

Ma première proposition à Sophie d’intervenir dans ce lieu prestigieux hi !hi ! encore méconnu, remonte à quelques mois, quand l’idée qu’elle succède à Jean Dubuffet dans la petite boîte effleura ma pensée et en convaincu de la présence forte d’un travail évocateur, je me hasardai à lui demander son avis, la priant d’accepter. Elle m’accorda un sourire et un demi oui.

Le deux deux, deux mille vingt à partir de quatorze heures pétantes et deux heures plus tard Dessin est en place. Ici à La Luette, j’ai l’habitude de poser et de m’enfuir tellement je trouve les oeuvres émouvantes dans cet écrin. Moins la patience de regarder se construire le fruit d’un habile ensemble de pensées préméditées dans l’alcôve, de celles qui vont rendre le spectateur-visiteur curieux, à venir tout ce mois de février, fébrile, de contenir la bave en lui pour ne point rien suspendre de son interrogative perplexité à réduire seul l’énigme.

Sophie dans son travail pratique la seconde alternative, une part de silence, deux parts d’introspection, un brin d’humour, l’infime mesure du temps qui tambourine sur le moteur des convergences : cerveau oeil pensée. Elle élabore de sa réflexion qui mesure le temps et va transmettre aussi l’idée de l’effort élémentaire mais qui peut se complexifier rapidement, une belle somme d’agencements simples, élémentaires, brutaux puis raffinés à la lame du cutter. Si, bien entendu, comme pour les grandes recettes à goûter, nous y mettons du notre.

Comme au temps des prémices de Sous La Tente où j’eus à faire à d’artistes qui promettaient et ici après la trés belle performance installation il y a un an jour pour jour de Samuel Buckman, LaLuette se targue de recevoir une belle idée, luxuriante, blanche, et fine aux traits mystérieux, une loupe dans le temps des loups, le breuvage élégant des gouttes perlant des serrures où l’oeil se perd pour mieux se retrouver et remettre en question ce qu’il sait quand il tourne sur lui-même pour la vie de l’Art. Une oeuvre pour le lieu dans laquelle il faudra se glisser avec délicatesse et lucidité.

 

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