J’effectue des recherches sur le récit et les formes narratives qui aboutissent à la réalisation d’un ensemble d’oeuvres autonomes dont la finalité est la performance. Ce projet initiées en 2016, aborde les espaces communs, les imaginaires collectifs et nos nécessités de croyances et nos moyens de transmission (rêves, religion, politique, etc).
Les productions qui en découlent sont des illustrations de voyages, d’expériences et de rêves. Elles prennent la forme d’installations immersives, de sculptures, de cartes... Il n’existe pas de limites formelles. Je me sers d’une architecture narrative initiale, à partir de laquelle je déploie un ensemble d’éléments dont l’objectif est d’accompagner le spectateur vers son propre imaginaire.
/ LES ÉVASIONS.
Le monde est constitué d’inconnues, de découvertes et de doutes. À une époque d’accessibilité inégalée aux bouts du monde, où le rêve fait face au pragmatisme, les nouvelles technologies et nos relations humaines et matérielles apportent de nouveaux rapports aux espaces sociétaux, culturels et politiques, tentant de créer un seul ensemble unique.Mon projet de recherches questionne notre rapport aux espaces d’évasions, aux lieux réels et aux paysages imaginaires en soulevant la problématique de la transmission. J’utilise des images, des formes et des voix pour accompagner le spectateur face à ses propres moyens d’imaginer et de conscience.
Mais rêves, croyances, et histoires, ne sont que les reflets et les échos de nos réalités : transformations sociétales, disparitions des terres, angoisses intimes, devoirs citoyens, implications politiques, découvertes scientifiques, aventures du bout des mondes, ou le règne de la confusion et de l’abandon.Les recherches se situent là, entre le constat de nos échecs et la nécessité de créer des mondes. / MOANA FA’A’ARO
J’ai découvert l’île de Moana Fa’a’aro à la suite de recherches sur un lieu qui n’existe pas, dont personne n’a jamais entendu parlé, qui aurait disparu et dont je ne connaissais pas le nom.Je sais aujourd’hui qu’elle n’est indiquée sur aucune carte, qu’elle se déplace et qu’il y vit un peuple aux traditions ancestrales. L’origine de l’île est profondément liée aux océans, aux terres et à l’histoire des Hommes. Résumé du récit de Moana Fa’a’aro, automne 2017
Au XVème siècle, en Chine, une étonnante boussole est fabriquée. Sur son écrin, le monde et l’Antarctique y sont précisément dessinés.
En 1839, le capitaine Pierre de Karcouët et son équipage découvrent Moana F’a’a’aro, une île du Pacifique indiquée sur aucune carte. Ils y séjournent plusieurs semaines, rencontrent les insulaires, découvrent des sculptures mystérieuses et un fémur gauche, n’appartenant à aucune espèce connue. Le jour du départ, le capitaine s’étonne : la boussole n’indique plus la même direction qu’à l’arrivée... L’île semble s’être déplacée.
En 1904, une expédition pose les pieds en Antarctique. Pendant des mois, ils s’efforcent de creuser la glace pour toucher terre. Au terme de leurs efforts, ils découvrent un fémur droit, issu d’une espèce inconnue.En 2004, deux bâtiments sont affrétés : l’un à la recherche de Moana Fa’a’aro, l’autre en direction du continent austral. Mais seul l’Antichtone accostera en Antarctique et retrouvera l’île perdue après un long voyage autour du monde.
Le mythe de Tà’amu {note}1
Au milieu du Pacifique, sur l’île de Moana Fa’a’aro {note}2, le volcan Ahi Nui {note}3 s’éveille.
Le feu liquide glisse abondamment vers l’océan.Le ciel se couvre de cendres ; la lumière est noire, opaque ; le silence gronde.
Au bout du monde, les hurlements résonnent dans l’écume bouillonnante.Lorsque les vieilles du village palabrent sur Taïa {note}4, elles racontent aussi l’histoire de Tà’amu, l’enfant née au milieu de l’océan calciné.Les vieilles disent que Tà’amu partait en forêt chercher les arbres à l’agonie. Elles disent que Tà’amu grattait autour des troncs l’humus frais pour sentir la chair de l’île, qu’elle y trouvait en-dessous la lave épuisée et qu’elle assemblait les arbres soignés aux rochers. Elles expliquent que Tà’amu cherchait à réconcilier le volcan à la terre.
Un jour, les vieilles ont trouvé Tà’amu enracinée entre les troncs vivants et la roche endolorie.
Les vieilles disent aussi qu’elles fabriquent à leur tour les sculptures et qu’elles les ont appelées : Paoratu mato {note}5, l’arbre qui pousse dans le rocher.Termes empruntés du polynésien. / [ou] : u / [aïa] : aia /
1Tà’amu : prénom polynésien qui signifie le lien, ce qui lie.
2Moana Fa’a’aro : endroit au large où aucune terre n’est en vue.
3Ahi Nui : Le grand feu (volcan se dit : mou’a auahi, littéralement, la montagne de feu)
4Taia : le chagrin. / Nom donné à une période funeste
5Paoratu mato : l’arbre qui pousse dans le rocher