La carte, et le territoire. Aurélien Mauplot oscille de l’un à l’autre, en explorateur en chambre, chercheur en cordée. Géographie, donc, au coeur de son jeune travail découvert lors du dernier Salon de Montrouge, et que l’on retrouve cette semaine pour la vente aux enchères rituelle qu’organise la Ville suite aux événements de mai.
Aurélien Mauplot a exposé au Salon de Montrouge 2014 un long et double voyage, dont frappait la fausse sérialité de ses motifs. Sur chaque page du Tour du monde en 80 jours de Jules Verne, dépiautée et isolée de sa reliure sous un cadre, le jeune artiste avait dessiné la carte de l’un des pays du monde, qu’il soit reconnu ou non par l’ONU. Ce projet, baptisé Les Horizons, aurait pu n’être qu’un simple planisphère, étendu à la surface d’un mur, si Aurélien Mauplot n’avait opéré quelques détournements. Tout d’abord, chaque contrée se voyait privée de toute spécificité, en étant contraintes à ses limites et à ue surface plane comblée d’encre noire ; en outre, elle pouvait, ou pas, voir les coutumes cartographiques détournées, et se retrouver tête bêche, le nord en bas, le sub en haut, etc. Si bien que la planète ainsi disséquée semblait bel et bien avoir perdu le nord, et qu’un citoyen n’y retrouverait pas toujours son pays d’origine. Trouble renforcé par l’ajout d’une multitude d’îles et archipels à cette litanie de nations officielles. C’est bien assez pour déboussoler Philéas Fogg, grand arpenteur du colonialisme : lui se repérait essentiellement sur la carte du vaste empire britanique qu’il fit le pari de traverser de pics en cap. « Si ce récit fait aujourd’hui partie de l’histoire de la littérature, il évolue également au coeur de la civilisation coloniale, peut-être la période source de notre monde globalisé », souligne ainsi l’artiste, comme s’il voulait rappeler ici que les frontières sont peut-être, et malheureusement parfois, les plus fragiles des choses. Voilà pour la carte. Mais quant au territoire ? Aurélien Mauplot s’y attaque dans un projet plus récent, intitulé Le Renversement du Monde. Le principe reste le même, impression numérique sur les pages arrachées d’un livre. Il s’agit ici de la Grande Crevasse, de Frison-Roche, explorateur bien réel celui-là. Comme en ombre portée aux exploits de l’auteur de Premier de cordée, l’artiste a imposé sur ses récits la masse des grands sommets, inversés, la cime vers le bas, et posés dans la page selon une « altitude » proportionnelle à la sienne dans le monde réel. Il donne ainsi l’image d’une terre en quête d’un Atlas digne de ce nom, qui sache la porter. Mais le territoire, pour Aurélien Mauplot, c’est aussi le coeur de la campagne française où il oeuvre quotidiennement. L’artiste y a été pendant quelques années en charge d’une résidence appellée la Pommerie, dans le Haut-Limousin, où il acceuille régulièrement ses acolytes. Il a décidé aujourd’hui de se consacrer à son travail, mais réside toujours dans la Creuse, au coeur de ce plateau de Millevaches qu’aimait tant Gilles Deleuze, riche de son terroir comme des livres qui ont décollé, pour voir plus haut.
Publié à l’occasion du 59ème Salon de Montrouge, 2014.