L’écriture est primordiale dans mon travail. Elle ne naît pas de rien, elle n’est pas fantasmée. Elle est ancrée dans des lieux, elle est en rapport direct avec un milieu. Il y a donc un lien évident entre écriture et expérience. Ce sont des lieux dans lesquels je reviens souvent, où je marche longtemps, où je dors aussi. Toujours en extérieur : lac, forêt, désert. En effet, je suis allée filmer le désert andalous, et je n’ai ramené que des pierres et des textes. Le plus souvent j’écris sur place ou alors plus tard, de mémoire et sur de simples détails que je mets en récit. Dans ces récits, je fais appel à la mythologie, à l’anthropologie et au rituel. Je n’interviens pas beaucoup dans cette nature. Je marche et je prélève certains éléments, à l’échelle de mon corps et de ce que je peux transporter. Par la suite, le prélèvement lui aussi alimente l’écriture. Je ne peux écrire que face à ce qui est devant moi. C’est de cette façon qu’avance le travail. C’est un va-et-vient permanent entre l’écriture et l’objet de l’écriture. Ainsi, l’écrit est descriptif, précis autant que possible, et pragmatique. Il fait également appel à des procédés poétiques et métaphoriques.
À partir des premiers écrits, une nécessité de produire des formes apparaît. C’est processuel. L’écriture me permet de créer des formes, et les formes, à leur tour, me permettent d’écrire à nouveau. C’est une méthode qui m’est propre. Le travail ainsi, se pousse comme une pierre, toujours plus en avant. C’est ce qui se produit entre mes sculptures et mes textes présents dans l’espace. Les textes des singes, même s’ils font appel à une forme de récit, sont une analogie avec mon processus de travail. Il y a ce va-et-vient constant entre la production des fagots, la recherche des matériaux pour les construire aussi, et la production des textes.
On revient alors à l’image manquante. Ce feu filmé dans un champ d’oliviers en Andalousie est une image qui illustre mon processus de travail. On prélève des branches et on vient alimenter le feu sans cesse. Ce sont des allers-retours entre l’olivier, jamais tout à fait le même, qu’on taille ; puis la marche pour revenir au feu, au centre. Enfin, on jette le feuillage dans les flammes et on regarde comment il se consume.
Les objets produits dans ma pratique sont importants puisqu’ils me permettent d’alimenter une écriture et une pensée, mais ils pourraient disparaître. Il est important de signifier que je ne tiens à aucune de ces formes. Je n’y suis pas du tout attachée. Il y a une distance infranchissable entre elles et moi. Et, dans l’absolu, les détruire ne me pose aucun problème. La seule chose importante est l’écriture. Je pense que mon travail comporte des problématiques d’écriture et non de sculpture par exemple.