La Forêt, 1983, Maison de la Culture, Chalon-sur-Saône
Construire une forêt, cet oxymore, pourrait synthétiser le projet de Jacques Vieille pour la maison de la culture de Chalon-sur-Saône. En revivifiant le bois standardisé en liteaux, en lui redonnant l’élan de l’arbre, en lui faisant retrouver l’enchevêtrement de la futaie et des halliers, il renverse la généalogie du geste architectural qu’il ramène à son origine.
L’espace de deux cent mètres carrés est saturé par plus de deux mille liteaux verticaux, de quatre mètres de haut, terminés par une fourche où s’enchevêtrent horizontalement d’autres liteaux. La structure se maintient, sans clou ni attache, dans un fragile et aléatoire équilibre. Elle peut être approchée et contournée mais nullement pénétrée si ce n’est par le regard du visiteur. A travers les rideaux successifs des liteaux qui filtrent la lumière, on devine les assemblages plus compacts de huit troncs-colonnes. Tout comme les arbres figurés par un strict et maigre élément, les senteurs sylvestres se réduisent à l’envahissante odeur du bois séché et découpé.
Contrainte dans un agencement rigoureux, aux débordements rectifiés, figée dans son aridité et sa sécheresse, la forêt devient l’échafaudage d’un virtuel édifice, une fantastique charpente, une utopique construction, une inaccessible cathédrale.Une architecture qui raconte sa genèse, une sculpture qui s’impose et se confronte au visiteur, un dessin en trois dimensions, aux stries démultipliés tel les réseaux de branchages de ses sérigraphies, cette structure regroupe, par l’agencement et la démultiplication d’un seul et unique module, les trois pratiques artistiques familières à Jacques Vieille : dessiner, agencer, construire.