Extension du conte à travers ses personnages
Fontane
En tombant dans la fosse des morts, le mari de Fontane aurait tenté de s’agripper aux parois de son cœur pour y échapper. En déchirant ainsi la moitié, il forma un trou béant, ouvrant une porte. Les premiers jours furent atroces pour elle, son cœur lui faisait mal à en mourir. Elle partit dans la forêt pour se donner la mort, entra dans une grotte et se résolut à attendre la fin. Mais un ours vivait dans cette grotte, un animal sorcier. Comme elle occupe désormais sa grotte, il prend le trou dans son cœur comme nouvelle tanière. Il lui apprend patiemment l’art des plantes et des baies comme ferment nécessaire à la cicatrisation de leur béance.
Il est dit qu’elle fuit Sanglar quand elle apprend sa monstruosité, mais c’est peut-être faux. C’est une fille curieuse et aimante, ils tombent chacun très épris et essayent beaucoup de choses entre toutes les magies étranges qui transforment leurs corps et ils aiment ça. Suzon est une sorcière, une jeune fille espiègle qui se fiche des conventions et découvre l’amour en plein air, sous la lune. Elle doit faire semblant d’être effrayée par son amant, pour la convention, en tant que fille-mère d’un monstre hors mariage. Le poids de la morale, portée par la masse des villageois, pèse sur son être. Peut-être que sa mort est plus un suicide, une noyade, qu’un accident. Pour ne pas vivre si c’est pour fuir son grand amour surnaturel. Elle annonce un cycle de suicides par noyade, celui de sa propre fille et de son père adoptif.
Son masque parrain est l’ours.
Sanglar
Sanglar est un seigneur colérique, quand Suzon le fuit il met le feu à son village. L’histoire a retenu l’agressivité du maître, son courroux absurde sur celle qui se refuse à lui, mais il faut aussi y voir le désespoir. C’est une histoire d’amour plus que de monstruosité. Il est fou de rage et d’amour, il est prêt à tout détruire si elle ne revient pas. Non pas uniquement parce qu’il veut récupérer son enfant mais parce qu’il ne peut vivre sans elle. Il sait qu’il ne pourra retrouver sa fille au village parce que les villageois l’en empêcheraient assurément. Alors il la voit sous la forme d’un sanglier, seul souvenir de cette passion clandestine amoureuse intense.
Son masque parrain est la hure empaillée.
Suzon
Sa mère, Fontane, lui a appris l’art des plantes et de la magie. Âme double, être scindé en deux entre l’homme et l’animal, la beauté et la monstruosité. Son corps vit deux vies et possède deux formes. Elle ne pourra toujours vivre que dans le mensonge. Elle est le vecteur, le passage, la porte entre sa famille de sorcières et de monstres et le village, le monde civilisé.
Son masque parrain est la fiancée.
Le potier
Il est le jour pour sa fille, le monde visible, civilisé, à la vue de tous. Gentil veuf, père adoptif, qui se bat pour laisser sa fille vivre une liberté qui lui est interdite. Il ne sait pourtant pas résister à la hargne de la société et il culpabilisera tellement de ne pas avoir su être assez fort pour elle qu’il se tue. Le potier ne veut-il pas se débarrasser de sa fille étrange entourée de mystère ? Ne trouve-t-il pas là un moyen de livrer son fardeau à la foule ? Il est face à la foule et exige le pardon par la vérité, il veut se racheter et racheter sa fille de même que le monstre. Il souhaite que tous pardonnent.
Son masque parrain est le soleil.
Le chasseur
Le chasseur veut du sang, s’il n’a pas l’hymen de la fille il veut percer de sa lance et faire saigner. Il a « pour mission de rechercher et poursuivre tous ceux qui sont à l’origine de désordres dans la communauté ». C’est un chasseur-fauconnier, il possède un oiseau qu’il aime et apprécie. Il n’est pas entièrement anti-nature. L’enfant marcassin l’apprécie depuis l’enfance. Il l’a peu à peu séduite par la relation qu’il entretenait avec son animal, partenaire de chasse.
Son masque parrain est l’oiseau.
Les villageois
C’est une masse, une vague menaçante, gardiens de la morale hérissés de fourches. Ils sont parfois beaucoup moins humains que ceux qu’ils appellent les « monstres ». Ils sont portés par la joie ou la haine. Parfois victimes, parfois bourreaux, c’est un rassemblement compact derrière une cause.
C’est une communauté.