Ce sont les membres de la famille de l’artiste qui ont portés ces masques pour la première fois publiquement. Ses sœurs, ses cousins, sa tante et sa mère, chacune ayant un double fictionnel dans la Cosmogonie. Elle leur a demandé d’enfiler les attributs d’une parade qui n’avait pas encore d’identité pour comprendre ce qu’il se jouait plastiquement. De l’intuition qu’elle a eue pour la construction des masques, celle de les relier au village où vivent encore les membres de la famille dont elle s’inspire depuis plusieurs années pour le projet la Cosmogonie, elle voulait faire l’expérience de leur réunion, de leur promenade, de leur réalité.
En effet, trois mois plus tard se déroulaient les élections municipales et les affiches électorales étaient déjà en place, si bien que les réactions des habitants à leur cortège était bien souvent politiquement orientées. Certains crurent même à la fondation d’un nouveau parti nationaliste extravagant. L’évidence fut alors claire que ce n’était pas les porteurs des masques qui importaient mais bien plus leur réception auprès du public extérieur et le débat qu’ils provoquaient sur le village même. Elle décida ainsi d’ouvrir le cercle de la cosmogonie familiale à celui du village.
Pendant les six mois suivants, elle étudia l’histoire de son village tant d’un point de vue politique qu’urbanistique et sociologique. Peu à peu, elle décida d’intégrer les habitants et différents protagonistes parmi ses amis créatifs, à l’élaboration de l’identité et de l’histoire de la communauté secrète en construction. Une tribu ancestrale naquit sur le territoire de la commune de Caylus : le Caylus Culture Club.
Caylus est une commune de 1500 habitants historiquement disséminés sur un village et 15 lieux-dits revendiquant souvent leur indépendance. Le bourg fut pendant longtemps la zone de rencontre où venaient commercer les agriculteurs habitant les lieux-dits alentours. Aujourd’hui vivent sur ce territoire, différentes communautés très disparates, telle que celle générée par l’immense camp militaire.
Il y a : les commerçants et paysans natifs installés depuis des générations (dont les noms figurent sur les plus vieux registres), des Anglais, des Hollandais, des citadins venus s’installer sur deux ou trois générations durant une période d’exode urbain ainsi que des communautés s’étant installées lors des événements du Larzac.
Le Caylus Culture Club n’a pas vocation à rassembler ces gens pour la paix de tous, mais à produire des moments de mise en scène, d’échanges scénographiés autour d’un nouveau pan de l’histoire du village, l’invention d’une tradition. Comme dans tout récit fondateur, il nous fallait des innocents et des monstres, des attitudes héroïques et des fins tragiques.
Lou-Andrea Lassalle-Villaroya