« I’m water »*

Clara Batistic, 2022

“There must be quite a few things a hot bath won’t cure, but I don’t know many of them. Whenever I’m sad I’m going to die, or so nervous I can’t sleep, or in love with somebody I won’t be seeing for a week, I slump down just so far and then I say : "I’ll go take a hot bath.”
Sylvia Plath, The Bell Jar

 

Je déborde du cadre, soufflent-elles. Je suis un fleuve en crue, insaisissable.

Ils les voient comme des hystériques, des Marthe Bonnard, comme des folles narcissiques.
Tantôt des spectres - des Ophelia noyées-, tantôt des déesses fertiles à l’image d’une pluie redonnant vie à la terre aride. Le monde s’est emparé d’elles pour exprimer ses maux et ses mystères, mais qui les écoute ? Qui les regarde réellement, autrement que comme un fantasme voyeuriste, une Diane épiée pendant sa baignade ? Jetant un autre regard sur ce féminin hyperexploité, les petites nymphes de Tatiana Defraine incarnent l’urgence tranquille de se réapproprier un “soi” trop longtemps défini par le male gaze.

Leurs yeux fermés comme pour se couper du monde, leur seul miroir est l’eau, l’eau amie qui est la seule à pouvoir refléter leur nature incertaine. Symbole de fluctuation et de changement, l’eau leur offre l’oisiveté tant recherchée dans le plus intime des lieux, pour échapper aux yeux des autres, que Virginia Woolf comparait à des prisons.

Supprimer les contours de la définition de soi, c’est ce qu’évoquent les corps qui se fondent dans l’eau du bain. Les baignoires figurant dans chaque petit tableau sont autant de minuscules chambres à soi, de jardins secrets, coquilles protectrices où les jeux de la représentation sont absents. L’eau chaude dissout les cages de l’image féminine ; c’est sans doute de cela dont parlait Sylvia Plath.

L’air amusé et paisible, les baigneuses semblent penser : je suis un corps d’eau, comment prétendez-vous vous emparer de moi ?

 

Documentation de l’exposition I’m water, Galerie Acappella, Naples (Italie), 2022

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