« Fame is a bee »

Sonia D’Alto, 2021

“Dans une boîte en marqueterie sur son bureau, Emily (Dickinson) conserve ses dents de lait, vingt petites perles baroques. Certaines nuits, elle pense que la vieille fille à laquelle elles appartenaient reviendra les prendre, un fantôme sans dents.”
Dominique Fortier

“L’histoire des femmes est identique à celle de la sorcellerie : c’est une histoire d’en bas.”
Carlo Ginzburg

 

Dans la société de l’hyper-spectacle, l’inflation d’images, la représentation marchandisée des corps et des multiples imaginaires surchargent la réalité de représentations. Dans cette surexposition, les petites toiles de Tatiana Defraine, aux couleurs pastel et à la craie qui coule aux bords du tableau, apaisent le regard fatigué. Elles dialoguent avec les intempéries de l’image féminine, de sa vulgarisation autant que de sa naturalisation. Ce sont des diapositives ironiques de la peinture qui nous interrogent sur l’ambiguïté et les contradictions de voir au-delà de l’ordinaire. La provocation est désenchantée. Quels sortilèges et superstitions du progrès expriment ces images ?

Les visages et les corps peints par Tatiana n’ont pas besoin d’être vus, de faire le spectacle. Ils ont besoin de se regarder. Égoïstes et généreux. Ce sont des portraits de jeunes filles {note}1 et de mauvaises herbes. En elles, la relation avec le monde se produit. Le monde, mesquin et apparent ; et elles, sinueuses et ambiguës. Le répressif se transforme en subversif et le subversif s’accumule en capital. Ainsi, il devient imperceptible de distinguer entre l’intime et le public. Aujourd’hui, pour les masses, ces petits formats sont des selfies sur l’écran, autrefois réservés à quelques privilégiés {note}2, des tablettes pour des passages de la mort.

La renommée est parfois comme un murmure. Un murmure d’histoires qui peuvent se produire. Saturée d’une réappropriation innée, une abeille recueille la carrière des fleurs. Petits vers : création, fragmentation. Ce sont des images créées avec des pastels à l’huile, des images d’une texture technique épaisse et grasse. Ce sont aussi des exercices féminins de réclusion, restitués dans leurs dialogues avec les fleurs, dans une merveille somnambule perturbée par le bourdonnement de la renommée. Nature morte ou portrait humain ? Ils coïncident, par hasard, dans la fraîcheur de s’offrir en tant qu’accessoires, en tant que corps, en tant que réalité - elle était morte. Peints comme une guérison finale, dans leurs chambres, et pourtant invisibles. Ce ne sont que des corps : restituer leur peau ; la matière de la peinture est dense comme le maquillage utilisé avant de sortir et de quitter la maison. Mais à l’intérieur de leurs demeures, elles n’en ont pas besoin. Là, ces corps jouent sans maquillage. Apostrophes muettes, gestes de poseurs naturels. Fumer, danser, regarder, poser. Elles cultivent des narcisses et contemplent des mythes de visualisation. Oh bienveillance, touche-moi. Tendresse souriante, ornée de marguerites dans les cheveux, même sous les aisselles. Les marguerites ne sont pas sages {note}3 : le titre de certains de ces tableaux. Chloris : elles représentent des nymphes au visage couvert de masques d’argile verte ou de concombres rafraîchissants sur les yeux. Elles dégagent un érotisme fertile et jeune, mêlé à une paresse empathique. C’est ainsi qu’en ne sauvant pas le monde, "la magie se tapit" {note}4. Chacun se présente, se montre, suit le cours d’une authenticité moderne - allongé de manière magnifique, parmi les couleurs du silence - sentiment d’exister, séduction sournoise qui transparaît, machine de la vision, peinture grasse. Ce sont des portraits ironiques, au format carte postale, d’une émancipation féminine anonyme, virale, extérieure : "Moi, j’ai envie que les gens soient beaux" {note}5.

 

 

“In una scatola d’intarsio sulla sua scrivania, Emily (Dickinson) conserva i suoi denti d’infanzia, venti perline barocche. Alcune notti pensa che la zitella a cui appartenevano tornerà a prenderli, un fantasma senza denti”
Dominique Fortier

“La storia delle donne è come quella della stregoneria : una storia dal basso”
Carlo Ginzburg

 

Nella società dell’iper-spettacolo, l’inflazione di immagini, la rappresentazione commercializzata di corpi e molteplici immaginari sovraccaricano di rappresentazioni la realtà. In questa sovraesposizione, le piccole tele di Tatiana Defraine, dai colori pastello e dal gesso che cola ai bordi del quadro, sedano lo sguardo affaticato. Dialogano con le intemperie dell’immagine femminile, della sua volgarizzazione come della sua naturalizzazione. Sono ironiche diapositive della pittura che ci interrogano sull’ambiguità e le contraddizioni di vedere oltre l’ordinario. La provocazione è disincantata. Quali sortilegi e superstizioni del progresso esprimono queste immagini ?

I volti e i corpi dipinti da Tatiana non hanno bisogno di essere visti, di dare spettacolo. Hanno bisogno di guardarsi. Egoiste e generose. Sono ritratti di jeunes filles {note}6 e mauvaises herbes {note}7. In loro, il rapporto con il mondo accade. Il mondo, meschino e apparente ; e loro, sinuose e ambigue. Il repressivo si trasforma in sovversivo e il sovversivo accumula in capitale. In questo modo, appare impercettibile distinguere tra intimo e pubblico. Oggi e per masse, questi piccoli formati sono selfies sullo schermo, un tempo e per pochi ranghi privilegiati {note}8, tavolette per passaggi di morte.

La fama è a tratti - come un mormorio. Sussurro di storie che possono accadere. Satura di innata riappropriazione, un’ape raccoglie la carriera dei fiori. Piccoli versi : creazione, frammentazione. Sono immagini create con pastelli ad olio, immagini dalla consistenza tecnica spessa e grassa. Sono anche esercizi femminili di reclusione, restituiti nei loro dialoghi ai fiori, a una meraviglia sonnambula, disturbata dal ronzio della fama. Natura morta o ritratto umano ? Coincidono, per caso, nella freschezza di offrirsi come accessori, come corpi, come realtà- lei era morta. Dipinte come guarigione alla fine, nelle loro stanze, eppure invisibili. Sono solo corpi : restituirne la pelle ; la materia della pittura è densa come il trucco usato prima di uscire e di andare fuori casa. Ma dentro le loro dimore, non ne hanno bisogno. Lì, questi corpi giocano senza maquillage. Apostrofi muti, gesti di naturali poseurs. Fumare, danzare, guardare, posare. Coltivano narcisi e contemplano miti di visualizzazione. Oh benevolenza, tocca-mi. Tenerezza sorridente, decorata da margherite tra i capelli, perfino sotto le ascelle. Daisies are not wise : il titolo di alcuni tra questi quadri. Chloris : ritraggono ninfe dai visi ricoperti di maschere d’argilla verde o da rinfrescanti cetrioli sugli occhi. Emanano un erotismo fertile e giovane, misto ad empatica pigrizia. È così che senza salvare il mondo, “la magia si annida” {note}9. Ciascuno esibisce se stesso, mostra se stesso, segue il corso di un’autenticità moderna - distesi in modo bellissimo, tra i colori del silenzio- sentimento di esistere, seduzione sorniona che traspare, macchina della visione, pittura grassa. Sono ritratti ironici, in formato cartolina, di un’emancipazione femminile anonima, virale, esteriore : “Moi, j’ai envie que le gens soient beaux” {note}10.

Consulter la documentation de l’exposition Fame is a bee, galerie Acappella, Naples (Italie), 2021

1Cfr. Tiqqun, Premiers Matériaux de la Théorie de la Jeune Fille, Mille et une Nuit, Paris, 2001

2Vedi i “Ritratti del Fayum".

3Daisies are not wise

4Emily Dickinson : “Magic lurks”.

5Tiqqun, Ibidem, p.20

6Cfr. Tiqqun, Premiers Matériaux de la Théorie de la Jeune Fille, Mille et une Nuit, Paris, 2001

7In italiano : le piante infestanti, per es. le graminacee.

8Vedi i “Ritratti del Fayum".

9Emily Dickinson : “Magic lurks”.

10Tiqqun, Ibidem, p.20

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