Cette exposition c’est d’abord un titre : Projet NFF - New French Fauvism. Ce titre révèle quelque chose comme une direction, mais laisse aussi poindre des possibilités de bifurcations d’abord difficiles à saisir. Il a besoin de se frotter à la substance tonique, intrigante des œuvres pour se faire les griffes. Car c’est à un retour à la source que nous convie Chantal Raguet. Quelle source ? Celle de la cage aux fauves. Il n’est pas question ici de couleurs incandescentes, véhémentes, mais de la férocité intacte des félins, du savoir-faire, du courage, de la détermination du dompteur, de la grandiloquence à la fois dérisoire et fascinante du cirque. Revenir à cette source, c’est se donner une base d’actions et d’explorations qui s’apparente à la recherche d’une forme d’apprentissage et d’alliance des différences, avec tout ce que cela comporte d’incertain, mais aussi d’excitant, de plus vaste, de moins impératif et de plus résolument concurrentiel par rapport à la vie ordinaire. Elle s’intéresse donc à la pacotille, au cliché, à l’ornementation débridée, au côtoiement du règne animal et de l’imagerie militaire, pratique le dressage, le camouflage et la désobéissance décorative, part à l’assaut des stratégies de domination et de soumission, d’accumulation et de transgression. Elle prend beaucoup à cette matière impure et clinquante, mais ce qu’elle lui emprunte, elle ne le laisse pas en l’état ; elle le déplace, le digère et le restitue sans contrainte, librement.Dans ses canevas à motif de chien de garde, sa cocarde de plumes de poules teintées, son lustre cascade constitué de chaînes diverses, ses peaux de bêtes sauvages posées au sol et confectionnées à l’aide de vêtements imprimés, ses colliers de dents d’homme sculptés dans de l’os de bœuf, ses cravates en rondelles galvanisées, ses vestes d’uniforme à brandebourgs, ses portraits de dompteurs et ses cages aux grilles agencées ou évoquées sous différentes configurations et résonnances, Chantal Raguet cultive une allégresse du sauvage. Sauvage parce qu’elle implique une mise en lumière brutale, incongrue, ce qui n’empêche pas la lucidité. L’allégresse et la sauvagerie sont comme les plateaux d’une balance qui chercherait son équilibre. Les deux termes ne fonctionnent pas l’un sans l’autre. Ils apparaissent comme les ingrédients d’un dosage nécessaire et interviennent comme le noyau et la coquille de chacune des propositions. Ils forment le centre réduit et compact autour duquel se condensent toutes les ressources de la fantaisie et de la vigilance. Ils entourent d’une enveloppe assez dure pour résister à la pression de différentes opérations (la bâtardise, l’outrance ordinaire, le mensonge embellissant). Ils accompagnent ainsi un glissement qui soutient, prolonge le sens ou, au contraire, le trouble redoutablement.
Didier Arnaudet, Art Press n° 364, p.87
Exposition Projet NFF : New French Fauvism, Galerie Cortex Athletico, Bordeaux, du 15/12/09 au 23/01/10