Claire Malrieux considère le dessin comme un écosystème dont l’équilibre ne serait pas seulement visuel mais aussi structurel. Réunies sous le nom d’Hyperdrawing, ses différentes productions consistent en des graphiques en expansion et mutation perpétuelles, à l’image du monde qui nous entoure. En 2017, Climat général (notamment exposé au Collège des Bernardins à Paris et dans l’Hyperpavilion de la Biennale de Venise) relatait ainsi l’évolution de l’Anthropocène à travers un dessin construit en temps réel selon les données, quotidiennes et variables, relevées sur différents sites de surveillance climatique ; influençant alors les algorithmes dans la réalisation de l’oeuvre.
Dans la lignée directe de ses recherches, la Dreambank témoigne d’une ambition aussi pointue que poétique. Par l’association de récits de rêves stockés et analysés, de comportements réactifs et de gestes graphiques de l’algorithme, cette oeuvre générative vise à révéler les songes d’une machine. Il s’agit donc d’explorer les perspectives narratives et spéculatives de la pensée machinique à travers l’errance d’un programme comparable à celle du cerveau humain : entre mémoire et projection. Néanmoins, rêver relève de l’inné chez les êtres vivants.
L’intelligence artificielle se doit dès lors d’en apprendre le mécanisme par l’analyse de multiples récits de rêves. Au sein d’un environnement immersif et organique, les spectateurs pourront s’asseoir ou s’allonger, afin de favoriser un état de repos au plus proche du sommeil. Générés et racontés en temps réel par la machine à travers un écran, les rêves n’apparaîtront que sous les traits d’une relation graphique en noir et blanc au gré de laquelle le spectateur pourra se laisser porter, ou qu’il tentera de décoder. Si son œuvre s’inscrit dans le sillon de la révolution technologique comme d’un squelette à sa création, l’artiste s’applique toutefois, et invariablement, à tracer de sa main les bases de chacun des développements graphiques comme d’un ferment inexorable. En dépit d’une intelligence artificielle aujourd’hui considérée comme une menace qui nous dépasse, Claire Malrieux aime à rappeler que nous en sommes non seulement à l’origine, mais aussi et surtout moins dépendants d’elle que celle-ci ne l’est de nous.