Perdez-vous sur le chemin longeant une rivière sinueuse et vous serez plongé dans l’expérience d’un paysage. Pendant les mois d’été, j’ai parcouru les sentiers, les champs, les prairies et les chemins de ferme de cette vallée fluviale bucolique. D’une certaine manière, la vallée de la Stour a largement résisté à la transformation due à l’agriculture industrielle qui domine le monde moderne. C’est un paysage intemporel. De nombreux champs restent petits comme dans les temps anciens et le terrain est plein de petites poches secrètes à découvrir. J’ai souvent été étonné par la qualité de la lumière incroyable que j’y ai rencontrée et cela a intimement façonné les photographies que j’ai saisies. J’ai compris pourquoi cette région est au cœur de l’art paysager anglais, inspirant tant d’artistes, dont Thomas Gainsborough (1727-1788) et surtout John Constable (1776-1837). Les gens viennent dans cette partie de l’East Anglia pour entrer littéralement dans les tableaux de ces maîtres de l’art britannique.
Ces photographies s’écartent largement des célèbres vues grandioses de la vallée de la Stour et proposent une autre vision de ce paysage. Ma vision est celle du particulier, de l’étrange et du poétique. C’est en capturant la lumière avec une conscience aiguë que ces photographies attirent notre attention sur les lieux et les scènes cachées qui sont si souvent négligées, et nous aident à voir le monde d’une nouvelle manière. J’ai peut-être marché dans les pas de Constable, mais j’ai cherché à trouver ma propre façon de voir ce paysage.
Certaines des peintures les plus connues de Constable sont ses « six pieds » : des œuvres à grande échelle décrivant la vie et le paysage de la vallée de la rivière Stour. Texturées, dynamiques et impressionnistes, ces peintures ont innové. Mais elles ont été largement rejetées par la scène artistique londonienne. Constable les envoya en France où elles furent très appréciées, acquises par des collectionneurs et récompensées par une médaille d’or au Salon de Paris de 1824. Ce sont les peintures de Constable présentées au Salon de Paris qui ont directement inspiré les jeunes peintres français qui ont formé l’école de Barbizon. Théodore Rousseau (1812-1867), Constant Troyon (1810-1865) et Jean-François Millet (1814-1875) ont commencé à peindre la vie et les paysages autour du village de Barbizon et de la forêt de Fontainebleau.
Il est clair que l’art relie les cultures, les territoires et les histoires : la boucle est bouclée !
Justin Partyka