Still Life, ou le repos de la nature

Fabien Ribery, 2017

À propos du livre Résonances publié aux Éditions Loco

 

C’est un univers de seuils et d’horizons.

Des routes de campagnes menant à des maisons presque nues, papiers peints défraîchis, gravats encombrant le passage, une moquette bleue, un lit de fer.
La vie est là, intense, ordonnée jusque dans son désordre, mais les humains ont fui, ou se cachent.
Une lumière dans un pavillon de nuit. Le cadre photographique bruit de présences invisibles, très silencieuses pourtant.
Des vagues de rochers, des monticules de tourbe, un faon mort, des lacs souverains où l’identité du Wanderer est le reflet d’un reflet.
Aucun remous, mais la perfection du visible donnée du premier coup, jusque dans le flou qui çà et là déroute les certitudes, oblige à faire le point, intérieurement.

Frédérique Bretin, photographe, c’est-à-dire poète, observe ce qui d’abord la contemple, ciels et arbres et mers et habitations. Des déserts.
Le regardeur est regardé.
Tout bouge sauf lui, qui est une suspension de temps, des milliers de fois par minute.
Croyant marcher, voyager, se mouvoir, il est cet amer tenant le paysage en entier.
La couverture est doublée d’un papier calque rouge, craquant sous les doigts. C’est une veilleuse, une lumière de peep-show, une servante de théâtre.

Un titre apparaît, Résonances, baudelairien (Correspondance), rimbaldien (Lettre du voyant, Voyelles).

« Comme de longs échos qui de loin se confondent / Dans une ténébreuse et profonde unité, / Vaste comme la nuit et comme la clarté, / Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. »

Frédérique Bretin – Charlotte Delbo : « Je suis morte à Auschwitz et personne ne le voit. » Tourner les pages, retourner la terre, découvrir une mer de cendres. Le mal est là, sous les pieds, sous les yeux, sous l’eau d’un marais empoisonné, et pourtant merveilleux.
Les absents crient en images muettes. Ère du soupçon, ère d’impossibles retrouvailles, ère de réconciliations. La nature ne connaît pas le mot deuil.
Frédérique Bretin photographie l’expansion calme des choses infinies par-delà la menace, et les douleurs de la disparition.

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