Sauver le souffle

Depuis 1994, je mène un projet intitulé Sauver le souffle, poursuite d’une méta-activité qui m’a conduit à circuler et à établir des relations avec la Côte d’Ivoire (1995 et 1996), le Népal (1995), la Bolivie (1997), la France (1998). Déplacements pour réaliser des images, « cueillir » des matériaux, créer des liens, entrecroiser les liens, s’immerger dans la réalité des autres et prendre de la distance : sauver le souffle...

La notion de souffle, « sauver le souffle » : c’est vrai que les investigations, les situations et expériences dans lesquelles je me plonge, sont aussi liées à des nécessités, à des intuitions. Ainsi, à mes yeux, l’art reste toujours à être inventé. Comme d’ailleurs les notions d’individu, d’humanité restent toujours à être inventées. C’est-à-dire que ce ne sont pas des notions qui sont fixées une fois pour toutes et donc la seule manière de pouvoir les vivifier, c’est de voyager, de mettre les choses en situation d’expérience également et ne pas les prendre uniquement comme de simples faits, de simples conventions . Disons que ces notions ne me satisfont pas, j’essaie de voir ce qu’on pourrait trouver comme autre mode d’approche, de définition des relations entre les hommes. En sachant, pour moi, que la base même de l’humanité, c’est la justice...

Dans les vidéos Sauver le souffle, il s’agissait à la fois de montrer des rapports exo-topiques et de caractériser des positions, de rendre manifeste mon décalage par rapport à la scène artistique actuelle.

Ces vidéos sont des constructions , des « images et du parler au fil du vent » et le moyen d’expérimenter le méta-sujet, les méta-activités et les méta-lieux. Conçues comme des méta-sculptures, ces vidéos contiennent des registres de formes, de gestes, d’énonciations que je peux, à tout moment, mobiliser ou remobiliser dans mes méta-activités.

Jean-Paul Thibeau

Comme les vidéos précédentes de la série Sauver le souffle, il s’agit de rendre manifeste des arguments liés à la méta-activité et au méta-sujet (en constatant que l’auteur disparaît de plus en plus des images). Le montage s’appuie sur des éléments qui ont été vidéographiés à La Paz (Vallée de la Lune), dans l’Altiplano, dans le désert salé de Uyuni, dans la cordillère du Sud Lipez, dans le zoo de Santa Cruz et, concernant Che Guevara, à Vallegrande et La Higuera.

Je suis parti non pour retrouver le visage ou quelques restes du Che, mais pour prendre de la hauteur et percevoir la sienne sur le chemin même, dans les buissons, sur les pierres... comprendre.

Jean-Paul Thibeau