Printemps est la 12e œuvre vidéo de l’artiste Julie Chaffort. Cette pièce aborde les notions de mémoire, de sacrifice et de folie, que Julie Chaffort a pu découvrir dans des images d’archives ou d’actualités de personnes s’immolant. Ces êtres pourraient être des protagonistes de la mythologie grecque, de ceux narrés par Ovide qui connaissent des morts dramatiques mais finissent par se transformer, apaisés, en élément du vivant : un arbre, un rocher ou un animal, et trouvent ainsi une autre naissance, une nouvelle éclosion, à travers cette transformation.
Ces êtres, seuls, errent dans des paysages désertés par les vivants : des forêts
brumeuses et pluvieuses baignées d’une lumière d’aube annonçant la venue d’un jour nouveau, mais aussi d’un nouveau supplice par le feu. Condamnés à se répéter tel Sisyphe et son rocher, ces personnages sont pris dans un mouvement de boucle infinie, miroir d’une folie et capable, d’une certaine manière, de redonner vie à ceux qui ne sont plus.
Le titre, Printemps, saison du renouveau, renvoie à cette possibilité sans cesse
renouvelée d’une nouvelle vie que connaissent ces personnages, mais aussi à la faveur révolutionnaire d’où est né leur feu.
C’est étrange, il y quelque chose, de la cache, de l’abri, de la disparition, de la mort, d’une fin douce, se consumer, brûler sans douleur, fragile, puis se fondre, être happé par les lichens, la mousse verte et tendre ; se diffuser, se répandre, disparaître lentement. De nombreux animaux se cachent pour mourir, là c’est inversé, comme ce cheval qui guette, veille... Les humains sont comme au bord des larmes, vulnérables, pourtant une paix se dégage, une sorte de calme ou une acceptation ;
La fin d’une fuite ? Est-ce que ce sont des créatures qui vivent là ? Qui meurent là ? Qui apparaissent , puis disparaissent, se répandent, dans une fumée ? Est-ce que ce sont des survivants ? Est-ce qu’ils sont au bout de quelque chose, d’une quête, d’une vie, d’un amour ? Est-ce qu’ils existent ? Est-ce qu’ils font partie de cette forêt, comme le fruit d’un arbre ? Est-ce que je suis le cheval ?
Cette forêt a quelque chose d’attirant, d’irrésistible, On ne peut pas en sortir peut-être ? Ou lorsqu’on la traverse, lorsqu’on est dedans, si l’on est pas un être de cette forêt, si l’on n’est pas un végétal, un animal, on brûle, on meurt ? On devient fumée, on s’envole dans cette forêt ? Peut-être que ces humains le savent, ils ne sont pas surpris par leurs corps en feu. Peut-être qu’ils ont choisi cette mort-là, de mettre fin de cette façon-là.
Une étreinte d’adieu, Il n’y a plus rien à se dire. Leurs âmes se répandent, se propagent, va pénétrer les troncs, les feuilles, caresser les cimes.
Lucie Chabaudie
Léa Bismuth, « La résistance des feux follets », 2020
© Adagp, Paris