Plein air est un projet entre musique et vidéo, né d’une série d’entretiens avec un ethno-musicologue. J’ai imaginé un projet de cérémonie contemporaine autour d’un même instrument : le synthétiseur. Les morceaux composés sont des œuvres originales tournées vers la musique électronique « ambiant » et « drone ».
Plein air met en scène des hommes orchestres dans une carrière de pierre et propose un live en in situ des morceaux composés lors de la résidence. Des enjeux autour du son dans l’espace, de la résonance avec le paysage et de l’écoute entre les musiciens apparaissent. Dans cette cérémonie au Synthé, chaque homme porte son instrument à bout de bras, fixe son ampli dans son dos et s’harnache des câbles et autres branchements. « Porter sa musique » participe à l’aspect performatif et visuel de l’œuvre.
Laure Subreville
Écrits.
Laure Subreville, « Ways of world-making », 2019
Je mʼinterroge sur lʼespace entre chaque homme, entre chaque musicien.
La carrière est enclavée, entourée de hauts murs coupés. Ils ne semblent pas infranchissables et forment une sorte de grand escalier.
Lʼhomme au centre de cet amphithéâtre vide prend la mesure de lʼespace, compte les angles. Il se trouve dans une sorte de creux, en dessous du niveau de la mer peut-être.
Lʼhomme ne se sent pas enseveli. Il est au cœur dʼune scène intime où lʼair est
dense et poussiéreux. Il se trouve forcément sur une ligne. La ligne au sol, la perpendiculaire avec la falaise, la ligne qui prolonge le bassin de roseaux, la ligne des musiciens, le centre de la carrière.
Le paysage est un grand plateau agencé en une suite de formes géométriques.
Chaque homme doit trouver sa place et le son qui entrera en résonance avec le
lieu. Il doit devenir une texture de la carrière.
Paysage sonore, paysage mental, paysage social, paysage identitaire, paysage géométrique.
Une même chose qui se répète et change de forme, comme le son produit se transforme en frappant les parois rocheuses, revenant ensuite sur le corps des musiciens.
Le visage qui transpire mais le regard maintenu. Lʼeau reste bloquée dans les sourcils. La concentration.
Je rêve de mon film. Les hommes apparaissent transcendés. Ils sont harassés par la chaleur. La lumière est trop forte pour les yeux. Il y a une souffrance physique certaine qui pourtant ne semble pas atteindre leur esprit. Ils sont ailleurs. Ils sont transportés. La carrière enferme les corps mais les hommes semblent voler au dessus du sol, soulevés de la poussière. La pierre absorbe les mouvements. La musique monte elle aussi lentement dans les corps et le ciel. Seule la couleur du bassin témoigne de lʼévénement en passant du vert au gris, puis au bleu.
La seule ondulation aquatique réside dans les gouttes de sueur qui perlent sur les fronts.
Que peut traduire le groupe qui fait résonner les pierres ? Que signifie lʼacte de jouer ensemble à lʼécart et dans la résonance du paysage ? Quʼest-ce que la résonance nous apprend sur le groupe, sur chaque homme et sur la musique ?
© Adagp, Paris