[...] Le langage humain se fait entendre de temps à autre. Il ne prédomine pas. Ce sont les chants, les signaux et les musiques du vivant qui articulent la relation entre les corps, entre les présences visibles et invisibles. Le chant des oiseaux, celui du vent ou encore des arbres. La musique d’une fanfare, celle du piano ou celle du cor. Les cris et les silences. Les souffles et les respirations. Les murmures et les frémissements. Julie Chaffort nous donne à écouter et à apprivoiser une langue commune. Une langue plurielle qui manifeste les besoins irrépressibles de s’exprimer, de communiquer, de s’affecter les un.es aux autres par nos corps sonores. Les sonorités, le soin et les énergies qui émergent des images, la sensibilité des relations entre les êtres, la fabrication de langages singuliers, de silences expressifs – c’est l’ensemble de ces éléments qui m’affecte profondément. Je ne fais pas ici référence à la profondeur par hasard ou par excès d’émotion. Les œuvres de Julie Chaffort réveillent une mémoire inscrite dans nos chairs, elles remuent quelque chose d’ancestral, d’indicible et de fondamental – quelque chose qui va bien plus loin que les limites de nos propres corps. Quelque chose qui nous dépasse et qui participe d’un chant commun. Peut-être le bruissement d’un « passé ancestral qui fait de chacun de nos corps une portion limitée et infinie de l’histoire de la Terre, de l’histoire de la planète, de son sol, de sa matière. » {note}1
Julie Crenn, « Écologies affectives » (extrait), 2021
texte de l’exposition
© Adagp, Paris
1Ait-Touati, Frédérique ; Coccia, Emanuele. « Gaïa, la vie en scène » in Collectif. Le Cri de Gaïa. Penser la Terre avec Bruno Latour. Paris : La Découverte, 2021, p.11.