Au commencement, il y a une rencontre avec un voyageur contemplant une mer de nuages. Cette silhouette qui se découpe sur un paysage de montagne marque profondément David Falco, et l’ensemble de son œuvre forme un dialogue iconographique mais aussi philosophique avec l’héritage du romantisme allemand. Le célèbre tableau de Caspar David Friedrich symbolise la relation des modernes à leur environnement, en plaçant l’être humain au centre d’un système de domination d’une nature aux ressources considérées comme infinies. David Falco propose quant à lui une critique systématique de ce rapport à l’espace et au temps, substituant le banal au sublime, le geste à la contemplation, faisant de la montagne le véritable personnage de ses œuvres. Son parcours traverse l’âge de l’anthropocène, et nous rappelle autant à la fragilité du monde qu’au pouvoir de nos imaginaires.
Pour ce faire, le choix du médium photographique, historiquement marqué par la force de la littéralité descriptive et en permanence débordée par nos fictions, est idoine. Cette puissance de récit s’impose à David Falco lorsqu’il met en images les façades de Montpellier (43° N, 3° E, 1997-1998) : les imperfections des pans de murs s’organisent en plaines et en monts comme par prestidigitation, grâce à des jeux d’échelle et de points de vue. La photographie va l’accompagner près de vingt années dans cette montagne qui lui sert d’atelier de création, où il use du cadrage, du montage, ou encore du texte et du son, et plus récemment de la performance.
Avec ces paysages désertés, David Falco nous met face à la puissance tellurique de forces littéralement inhumaines dans leurs dimensions topographiques comme temporelles. Le sublime est toujours présent, mais demeure immaîtrisable malgré les sempiternelles tentatives des fantassins de la modernité qui viennent faire et défaire le paysage. Au fil de ses travaux, David Falco essaye de se frayer un chemin dans les interstices de l’icône, de dépasser la recherche de la virtuosité photographique au profit d’une écriture plus anthropologique des temps faibles. En introduisant le mouvement dans le cadre, il enchevêtre les temporalités : celle des années du chantier, de l’après-midi du touriste et les siècles des formations géologiques. Loin de nous livrer un récit univoque, l’artiste se poste comme un observateur sensible aux échos que lui renvoie cette montagne vulnérable.
La cohérence conceptuelle des travaux de David Falco fait de son œuvre un véritable manifeste, sans que cet engagement conceptuel prenne le pas sur l’exigence esthétique. L’artiste nous propose une méditation en plusieurs actes sur la manière d’appréhender notre héritage moderne pour envisager un devenir terrestre.