Flux de désir et lignes de besoin

Flux de désir et lignes de besoin, 2023
Toile cirée, découpes, œillets , 140 x 189 cm
Œuvre produite dans le cadre de la résidence du Centre d’art Madeleine Lambert, Vénissieux, avril-mai 2023
Vue de l’installation de fin de résidence Embrasser la dérive (2023)

 

Découvrir le texte de Gunther Ludwig, Embrasser la dérive

 

« Qu’y a-t-il de plus beau qu’un chemin ? C’est le symbole et l’image de la vie active et variée. {note}1 »

Au travers d’un arpentage méticuleux et cartographié dans la ville, j’ai relevé de manière quasi-exhaustive les lignes de désir (les chemins peuvent facilement se dérober à notre vue). Une ligne de désir, est un sentier tracé graduellement par érosion à la suite du passage répété de piétons, de cyclistes ou encore d’animaux. Le terme est utilisé par les urbanistes et signale un aménagement urbain inapproprié vis à vis des passages existants. Le terme « ligne de désir », est pour moi une expression, certes très poétique, mais en contraste avec la réalité. Ces tracés, liés au temps et à l’usure, révèlent davantage des besoins que des envies.
La plupart des lignes relevées ne dressent pas le portrait d’une flâneuse errance, mais plutôt le besoin de raccourcir les distances entre les lieux qui ponctuent notre agenda quotidien (école, gare, métro, parc, habitat…).. Elles nous permettent d’aller d’un point A à un point B de manière directe, sans détour.
Ces lignes sont alors découpées dans une toile cirée transparente, représentant une partition aléatoire, abstraite et décontextualisée des déplacements effectués par les habitants. Les découpes, discrètes, viennent ponctuer la toile.

La toile cirée, emblématique d’une époque révolue de Vénissieux, reprend les proportions de la carte de la ville. Le motif « vagues » contraste avec ces lignes figées. Alors, « la vie active et variée » parcoure des chemins dessinés par l’usure de celles et ceux qui, tous les jours, arpentent inlassablement le même sentier tracé par d’autres. Les lignes de désir deviennent lignes de besoin. Les mouvements quotidiens, absents du paysage et des cartes, deviennent flux de désir avec l’aspiration qu’ils soient parsemés, éclatés, anarchiques. L’absence comme justificatif de leur liberté.

Lidia Lelong

 

Détail

 

© Adagp, Paris

Crédits photographiques : Blaise Adilon

1Consuelo, II, p.116, Georges Sand