Je fais des photographies pour connaître l’endroit d’où je viens. Il s’agit de la région agricole rurale d’East Anglia. La terre y est exploitée depuis plus de 4 000 ans. C’est là que les Romains cultivaient le blé et l’orge, et qu’une culture de petites exploitations agricoles familiales a prospéré, perpétuant une tradition qui remonte dans la région aux paysans du Moyen-Âge. Mais aujourd’hui, la plupart de ces petites exploitations ont disparu.
En 2001, je suis parti à la découverte de ce qui restait des vieilles routes d’East Anglia. J’ai sillonné les comtés ruraux du Norfolk et du Suffolk en explorant les chemins de traverse, les sentiers et les routes avec mon appareil photo. Au cours de mes voyages, j’ai rencontré quelques-unes des dernières petites fermes traditionnelles. Il s’agit de vestiges de l’ancien mode de vie agraire. Les agriculteurs que j’ai rencontrés étaient souvent aussi intrigués par moi que je l’étais par eux. Peu à peu, ils m’ont accueilli dans leur vie et je les ai photographiés pendant dix ans. Aujourd’hui, nombre d’entre eux sont mes amis.
Les photographies montrent un monde rural inconnu de la plupart d’entre nous. C’est un endroit où les méthodes et les connaissances traditionnelles sont profondément enracinées et où le passé continue d’exister dans le présent. J’ai passé de nombreuses heures dans les champs à regarder les agriculteurs travailler, observant patiemment comment l’homme et la terre se façonnent intimement l’un l’autre. En photographiant, j’ai essayé de creuser profondément et de remonter à la source de cette ancienne relation entre le travail et la terre. Je pense au travail de Vincent van Gogh et à la lettre qu’il a envoyée à son frère Théo en septembre 1881, dans laquelle il écrit : « Je dois maintenant dessiner sans relâche des bêcheurs, des semeurs, des hommes et des femmes à la charrue. Scruter et dessiner tout ce qui fait partie de la vie à la campagne ». Personne n’a mieux compris que Vincent comment voir les champs et leurs agriculteurs et son engagement m’a montré la voie.
Justin Partyka