Ce qui frappe dans la peinture de Maya Andersson, c’est la mise en œuvre, ou plus exactement en chantier, de deux registres temporellement éloignés. D’un côté l’actuel, l’ici, le maintenant, le vécu familier et quotidien, et de l’autre le passé, le culturel, l’histoire. Deux registres donc, livrés aux activités mêlées de l’appropriation, de la recherche, de l’imagination et de la mémoire. Entre leurs stratifications, il s’agit de multiplier les passages, les échanges et les contaminations. Chaque œuvre devient une chambre d’échos où résonnent des traces, des indices, et s’invente ainsi un horizon à la fois mouvant et insistant de références. Des gestes, des objets, des motifs et des sensations apparaissent et disparaissent comme les échos d’un récit éclaté, plusieurs fois déplié et replié sur lui-même, et convoquent ainsi des notions de profondeur et de surface, des alternances de recouvrement et d’effacement, de transparence et d’opacité. Ils se donnent comme des fragments retenus, réunis, inscrits dans cette insistance particulière du temps mais restent des témoins fortement actifs. Cette fragmentation n’a rien d’un émiettement. Elle soutient et entretient l’exigence de qualités d’ouverture, de déplacement et de prolongement. Et ces qualités font que les fragments produisent une continuité étrange et s’écartent de toute problématique de rupture. La force de cette œuvre, c’est bien que les différents espaces et usages de temps et de représentation à travers lesquels elle se déploie s’y animent selon les mêmes énergies primordiales. Chez Maya Andersson, le mythe fait directement écho aux données les plus vives du quotidien, les secrets d’une civilisation lointaine se partagent avec l’archéologie d’un réel très proche, et la peinture s’intensifie dans les signes d’une plénitude.
Texte extrait du catalogue C’est l’été, Bayonne Art contemporain 2003, Artistes choisis par Jean-Jacques Lesgourgues, Collectionneur.