« Le rôle d’Artémis est de mettre les jeunes en état de la quitter le moment venu ; elle institue les rites par lesquels elle leur donne congé en les accompagnant sur l’autre rive », Jean-Pierre Vernant.
« Quel genre de société, qu’elle quelle soit, peut évoluer si elle est coupée de toutes les autres ? », Ben Rivers.
Artémis est un court-métrage de fiction autour d’une communauté d’adolescents qui vit en autarcie dans un sanctuaire peuplé de sculptures anthropomorphes, en pleine forêt des Landes. Le groupe de jeunes fabrique des masques en bois d’orme. Les tronçonneuses taillent de larges morceaux pour dégrossir les premiers traits du masque. Les mains viennent ensuite, raboter et poncer le bois pour donner vie au visage. Les adolescents, toujours vêtus des masques qu’ils ont façonné, vaquent à des occupations simples et contemplatives entre la forêt et l’atelier. Ils se trouvent dans une forme d’attente mythique, de temps « hors du temps ». En groupe ou seuls, les enfants-masqués arpentent le paysage, observent leur apparence, celle des autres et des sculptures géantes.
L’esthétique d’Artémis est empruntée aux films de genre et d’horreur de Mario Bava, réalisateur italien. Dans ce film, je recherche une intensité chromatique et un sens de la narration particulier. L’éclatement du récit donne une puissance à l’image hantée par ses personnages. A travers le masque, on se rapproche aussi d’une forme d’animisme, de chamanisme. Les adolescents parlent à leur visage anthropomorphe comme à un être cher. Ils incorporent l’animal sculpté et entretiennent ainsi, une relation inter-espèces.
Le paysage de l’atelier de Christophe Doucet est en quelque sorte un îlot : un habitat entouré de zones forestières inhabitées. En ce sens, il n’y a pas besoin de filmer une île réelle au milieu du Pacifique pour penser l’idée d’une enclave. La narration se crée autour d’une utopie futuriste, une monade qui existe seulement pour le film, un espace oublié, mais pas abandonné. J’aime penser à de petites communautés qui essayent de trouver leur propre chemin à travers une immense possibilités d’utopies, et comment, aussi isolés soient-elles, ces possibilités peuvent différer radicalement de l’une à l’autre. En ce sens, les artefacts d’îles sont de parfaits exemples d’environnements clos qui peuvent évoluer et se développer d’une manière unique, selon des facteurs d’influence endémiques.
Ainsi, le masque à l’image dans Artémis, me permet de dépasser la question de l’identité, sujet primordial lors de l’adolescence. Ce qui est important, c’est l’unité et l’appartenance à un groupe uni par le même apparât.
Laure Subreville
© Adagp, Paris