David Rosenberg, 2013

Le terme « roman graphique » l’exaspère. Faire des bulles l’ennuie. Il affirme aussi que ce sont les choses qu’il « adore le plus » qu’il « massacre le mieux ». Et, il est vrai que Winshluss aka Vincent Parronaud (sic) excelle aux jeux de massacre en tous genres et en tous domaines : bande-dessinée, cinéma, animation, musique… Rien ni personne n’en sort indemne, ni les personnages (Mickey ou Pinocchio, par exemple), ni les codes et usages du genre et encore moins les lecteurs ou spectateurs de cette oeuvre de destruction massive où mutations génétiques, débilité incurable et débâcle économique jouent un rôle primordial. Soulignons ici d’emblée le caractère quasi-prophétique de certains de ces albums dont les personnages évoluent depuis belle lurette sur fond de crise financière, comme s’ils nous avaient devancés !

Travaillant dans les marges de tous les systèmes, son intransigeance et sa radicalité — d’aucuns, avec justesse, parlent de génie —, l’amènent souvent à se retrouver au centre de toutes les attentions. Preuve en est l’accueil critique et les récompenses qui ont couronné son travail (le Prix Spécial du Jury du Festival de Cannes 2007 pour « Persépolis », obtenu en tant que coréalisateur avec Marjane Satrapi) et le Fauve d’Or du Festival International de Bande Dessinée d’Angoulême 2009 pour son album déjà culte « Pinocchio ».

Winshluss est aujourd’hui considéré par de nombreux amoureux et spécialistes de bande-dessinée, tel l’éditeur et critique Vincent Bernière, comme le meilleur dessinateur de sa génération, au trait aussi acéré qu’inventif. Ce dernier parle de lui comme d’un « créateur sans concession avec un univers véritable, une brute dans l’art. » Une brute, peut-être, mais dont le coup de poing (en pleine face) est amour ; symbole d’une saine charge contre tout ce qui le choque et le révulse dans la vie. Bref, un univers artistique qui ne parle pas que de luimême ou de son auteur mais bien du monde qui l’entoure et de notre fond culturel commun, faisant sans complexe le grand écart entre la bande dessinée, la culture populaire et l’Art avec un grand A.

Il est l’auteur de nombreux albums à l’humour grinçant et délicieusement amoral, tels : « Monsieur Ferraille » (un personnage tout en métal n’hésitant pas à conseiller à un gosse un peu paumé de picoler plutôt que de faire du sport et dont l’histoire est prétexte à un détournement parodique de tous les codes de l’histoire de la bande dessinée et de l’illustration populaire), « Pat Boon Happy End » (les déboires d’un personnage veule et malchanceux sur fond de crise économique, de cinéma porno et de KKK), « Super Negra » (l’histoire désopilante d’un Mickey mutant et pêcheur à la ligne), « Welcome to the Death Club » (où la mort moissonne à foison des loosers en tous genres), « Smart Monkey » (la bataille impitoyable des petits et des faibles pour la survie) ou encore « Wizz et Buzz » (les aventures hilarantes de deux crétins sans complexe).

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