En 2007, je tente de mettre en place un semestre des mes études à Beyrouth. Là-bas, une partie de mon identité réside mais hélas, l’argument des « racines » se heurte à un refus de mes enseignants. On a peur de m’envoyer dans un décor académique. On fantasme des cours de calligraphie et de céramique. On veut me faire échapper au poids des traditions. Je file à Toronto.
En 2014, le Beirut Art Center lance un appel à candidatures pour participer à une exposition d’artistes émergents libanais nommée Under construction. Une des lignes du cahier des charges stipule « the artist must be lebanese ». Ce que je ne suis pas. Avec ma simple nationalité française, je réponds à l’appel précisant que je souhaite dans un même mouvement réfléchir à cette absence qui me constitue (ma famille paternelle est libanaise) et profiter du voyage pour « me construire » une identité civile, faire les démarches administratives nécessaires pour me lier officiellement à l’arbre généalogique.
« Légèrement transparent et au regard fuyant, cet humain de synthèse tente d’incarner la part instable et vacillante de mon identité ; il pourrait bien s’agir de ma déclinaison libanaise. Il arpente avec difficulté un espace hybride, entre cabine de plage, littoral, photomaton. Hésitant, tâtonnant, posant là quelques gestes exploratoires, s’éclipsant, mais toujours revenant. »
Le registre de l’auto-fiction me guide dans la création de cette installation. Au mur, la projection de ma chorégraphie identitaire saccadée. Au sol, des amoncèlements de cerflex verts faisant penser à des tas d’algues artificielles, assemblés à la main. Le tout rythmé par une boucle sonore hypnotique faite de vagues et d’écume qui pétille. Comment peut-on être libanais ?
Geörgette Power
© Adagp, Paris