[…] Marie Sirgue investit un jardin des plus classiques. Pelouse verte, arbres et fleurs bien alignés s’épanouissent simplement de toute l’attention qui leur est portée. Un détail peut-être apporterait à la maison tout le lustre du modèle idéal de la villa classique. Une sculpture de jardin ! Réminiscence lointaine de celles des dieux et des ancêtres qui ornaient l’atrium des riches villas romaines.
Marie Sirgue érige une naïade à la nudité parfaite parmi bégonias et marguerites. Coutumière des combinaisons incongrues, elle réalise sa sculpture en terre crue et dispose à ses côtés un système automatique destiné à l’arroser durant les trois jours de la manifestation. L’intention est limpide, détruire par l’eau cette divinité des rivières grecques. Jour après jour, la statue se désagrège lentement, formant aux pieds de la nymphe une flaque boueuse.
Œuvre rassurante au départ que ce nu féminin, à l’image des sculptures de jardin qui vous sourient au bord des routes. Mais le spectacle plaisant vire très vite au cauchemar, la terre dégoulinante défigure la belle, boursoufle son corps puis laisse apparaître le squelette de la silhouette, armature bricolée, sorte de squelette hybride de bois et de plastique qui confère au drame un caractère encore plus monstrueux. L’œuvre n’existe ici que par sa propre dégradation. […]
Manuel Pomar
Directeur artistique au Lieu Commun et commissaire de l’exposition
A propos de La naïade
Voire, Art et embarras du choix, AFIAC, 2012
Crédits photographiques : Yann Gachet