Knuckles Heads, Hugo et Guillaume comme source d’inspiration
Il paraît que tout a été fait…
Selon Douglas Huebler, « le monde est plein d’objets plus ou moins intéressants ».
Si un tel constat paralyse l’acte de création, avec ses vérités et dogmes établis, la pratique bicéphale d’Hugo Durante et de Guillaume Segond s’inscrit dans un schéma inverse.
Puisque tout a déjà été fait, il s’agit alors de refaire, de reconsidérer les formes d’une réalité autoritaire dans laquelle les certitudes ne sont qu’apparentes.
C’est par ce besoin impérieux d’évacuer cette vision univoque qu’ils ont fait le choix de reconsidérer les objets qui les entourent et les gestes de création comme des terres inconnues prêtes à être défrichées une nouvelle fois. Ces objets sont ce qu’ils appellent eux-mêmes des « fantômes », des œuvres qui rôdent dans les dédales de musées, dans les jardins, dans l’imaginaire commun. Puisant dans ce répertoire esthétique devenu patrimoine mais que nous ne savons plus comment regarder, ils dé-œuvrent les choses déjà présentes.
Ainsi ils expérimentent toutes sortes de médiums et de techniques avec l’implication de l’amateur avide de découverte. Joaillerie, moulage, taille de pierre, céramique, peinture, dorure.
L’objectif étant d’avancer sans complexe en s’affranchissant des schémas ordinaires de notre réalité commune. Cette quête à la fois naïve et besogneuse renvoie à cette figure mythique du duo Bouvard et Pécuchet. Les deux comparses de Flaubert qui, désœuvrés en leur pratique de copieurs, dé-œuvrent ce qui est déjà.
Tantôt emporté par l’enthousiasme d’un accomplissement, tantôt concentré sur l’éventail infini des possibilités, le duo SEGONDURANTE part d’une image mentale très précise. Il s’agit pour eux de se confronter à une technique pour en cerner l’impossibilité, jouant ainsi sur la frontière séparant l’artiste de l’artisan. Enfants des années 90’ et nécessairement influencés par le regard de la réalité vue au travers du filtre d’internet, leur origine est celle du fragment et leur vision est parcellaire. Fragments de formes dans les musées, fragments d’images sur le web, ici tout se mélange. Le geste d’emprunt est décomplexé et les amalgames sont alors autorisés et même nécessaires.
Leur travail serait donc un travail de postproduction tel que l’entend Nicolas Bourriaud, une pratique dans laquelle la matière et le savoir-faire qu’ils manipulent n’est plus d’ordre premier. « Il ne s’agit pas pour eux d’élaborer une forme à partir d’un matériau brut, mais de travailler avec des formes d’ores et déjà en circulation, déjà informées par d’autres ».
Leur pratique de compilation et d’hybridation de formes fonctionne comme un copier/coller. Une manière de penser un héritage de formes, un assemblage de fragments où la totalité de l’œuvre ne saurait être restituée. Ils aiment penser que chaque chose n’est qu’une ruine consciente en soi. Une autre façon de considérer la ruine en somme.
Kévin Huber