Ce que je retiens de « Créer de tous les côtés ».
Se taire et se soumettre. Il me reste encore deux ans à passer dans cet enfer. J’y suis à cause d’Hermione, ma cousine, qui m’a balancé dans la gueule : « FAIS QUELQUE CHOSE DE TA VIE BORDEL ! »
« Créer de tous les côtés » a brisé ma passion pour l’écriture, au sens littéraire du terme. Ce centre offre une compilation irréfléchie de formations à tout va. On te dit : « fais de l’art, du design, de l’architecture, du cinéma, et tu seras quelqu’un de bien ! »
Moi, j’adorais écrire, et on me dit que faire tout sauf écrire va m’aider à écrire, vous aurez compris la logique !
Vous devez savoir qu’à « créer de tous les côtés » c’est la tyrannie du coaching entre camarades imposée par le directeur. Mes quatre coachs sont : Élisabeth, Louise, Hermione et Gautier. Il est la seule personne que j’affectionne dans toute cette hystérie collectiviste. Hermione, Élisabeth et Louise, m’en ont fait voir de toutes les couleurs. Louise me demandait sans arrêt l’impossible.
Deux mois avant l’examen final du premier cycle, je me plante littéralement au bilan. Tout le monde sort de la salle en riant, je suis au bord des larmes.
Maintenant parlons du SDB. C’est l’endroit où on t’oblige à prendre une cuite, sans que tu en aies envie. C’est aussi le lieu du clientélisme et de toutes ses dérives. Patrick Second, Carl Durante et Juliette Blain, en sont les créateurs.
Artistes et directeurs d’installation, ils accompagnent les étudiants dans la spatialisation de leur travail.
Sachez que Patrick et Carl, ces deux hétérosexuels de service, se tapent des étudiantes. Ils leur ont bien fait comprendre que si elles acceptaient de coucher avec eux, elles auraient leurs diplômes. Louise, ma coach, est celle que Patrick et Carl ont le plus sautée. Comme elle parle de cul dans son travail, Louise est la première à avoir eu la chance d’exposer au SDB.
J’ai dit ce que j’avais à dire. Si vous aussi pratiquez un art, cet article vous aidera peut-être à vous tenir éloignés de tout ce qui pourrait vous en détacher.
Samantha.
En réponse à ce que Samantha a écrit.
Que dire face à ce discours grossier, caricatural et sans nuance ? Quels mots trouver face à toutes ces injures ? Nous qui avons cru en Samantha, et en sa pratique de l’écriture, sommes aujourd’hui mis plus bas que terre.
Il est très facile de cracher contre les institutions. Sortons de cette vision romantique du génie : l’incompris, le solitaire, le persécuté, vivant d’amour et d’eau fraîche.
« Créer de tous les côtés » m’a permis de pratiquer mon art favori : le théâtre.
Durant le premier cycle j’ai acquis un tas d’autres compétences. Si je m’étais simplement limitée au théâtre, comme ma cousine veut le faire avec l’écriture, je serais aujourd’hui à la ramasse. Parce que les plus grands nous chouchoutent, que nous parlons de nous vendre, de gagner notre vie, et de nous coacher, alors nous serions corrompus, nous les jeunes artistes ? C’est une idée reçue à proscrire. Il est plus facile pour un artiste de changer les failles du système (notation, inégalité, compétition, exclusion) lorsqu’il accepte de s’y insérer, d’en comprendre le fonctionnement, pour le rendre meilleur, et plus juste. Oui, des choses m’ont mises en colère aussi dans le centre de formation, mais cracher dans la soupe comme l’a fait Samantha, c’est tout simplement honteux ! Aujourd’hui, ma cousine est diplômée du premier cycle avec une mention. Je l’ai accompagnée, soutenue jusqu’au bout ! Ce coup de poignard porté, à deux ans de la sortie, me blesse profondément !
« Créer de tous les côtés », c’est aussi pouvoir échanger, débattre. C’est vrai, je me suis fritée avec Monsieur Thomas, mon prof. d’histoire, au sujet de Walter Benjamin, que j’avais choisi d’interpréter au théâtre, pour l’examen du premier cycle. Je revendiquais un Walter Benjamin tourmenté, et sensible, alors que Monsieur Thomas en restait à ce qu’il savait de Walter Benjamin. Cependant, la vision de Monsieur Thomas m’a ouvert l’esprit, et c’est ça qui est important pour un artiste : s’ouvrir à l’autre, échanger, collaborer, et surtout... sortir de ses certitudes et de ses acquis.
J’en resterai là, car les courts discours vaudront toujours mieux que les longs réquisitoires.
Hermione.
Texte de la performance (extrait).