Dans un monde qui ressemble au nôtre, mais où le son n’existe plus, un groupe d’adolescents quitte leur village pour explorer les forêts et les lacs alentours. Avec du matériel de captation sonore rudimentaire, ils tentent de faire réapparaître ce monde perdu.
« Alors que je pensais que la prise de son était la base de la création, je me suis peu à peu rendu compte que cela se jouait ailleurs, au travers de l’écoute. »
Felix Blume
Quand je fabrique un film, je pense toujours aux mêmes mots : île, communauté, errance, isolement et amitié. Ce sont en quelque sorte la liste exhaustive des mots-clés avec lesquels je commence mon écriture. Pendant plusieurs jours, j’avais envie de connaître les mondes possibles qui habitaient les adolescents de Monflanquin et la manière dont on pouvait les faire apparaître ensemble.
Les éclaireurs se situe entre la fiction et l’archive. À travers l’aspect très technique de la prise en main du matériel de l’ingénieur du son, du cadreur ou encore du musicien, les participants sont invités à jouer un rôle d’éclaireur et à prendre possession de l’espace sonore pour collecter toute sortes de sons en milieu naturel : les environs de Monflanquin. Ce milieu à la fois très familier et opaque pour les jeunes, résonne d’une quantité de bruits auxquels on ne fait pas attention au quotidien. De nombreux artistes et spécialistes du son ont étudiés les forêts, je propose de reprendre les recherches à notre manière avec une pointe d’humour, mais beaucoup de sérieux dans nos méthodes pour créer un film qui retrace notre expérience.
L’environnement du Lot-et-Garonne n’échappe pas aux bouleversements climatiques en cours : la température monte, les lacs s’assèchent et les espèces de faune et de flore remontent vers le nord de l’Europe. Il me semblait alors intéressant d’imaginer le paysage sonore de demain, à travers un film de fiction.
Durant le workshop, les participants ont utilisé notamment des micros de contact et autres dispositifs permettant de capter et de provoquer des évènements sonores hors de portée de nos sens. L’idée était de déployer ces outils à l’intérieur même de la forêt, de l’arpenter afin d’isoler les sons de chaque zone, de chaque parcelle et même des fourmis dans le sol. C’est tout une symphonie et un chant humain quelque peu magique, qui s’offraient à nous. Au fur et à mesure des expérimentations, les participants à la fois devant et derrière la caméra, ont tissé je l’espère, un lien nouveau avec leur environnement et ont commencé à en écouter chaque son, chaque variation rythmique.
Ainsi, les samples récoltés ont été transformés à l’aide de tout un arsenal de synthétiseurs de musique électronique : c’est tout une cosmologie sonore qui entre en jeu et se percute pour trouver enfin une place dans le film. Au-delà de la recherche musicale, ce projet mène une réelle approche de réflexion sur l’urgence climatique, l’esprit de partage et de communauté, mais aussi et surtout, l’avenir des prochaines générations.
Laure Subreville
@Adagp, Paris