Le narrateur : Jade vient de passer 7 jours de randonnée dans les Pyrénées. Dans un groupe de dix Jade a parcouru plus de 15 km. Jade est dans sa voiture, pensive. Elle rentre à Paris.
Jade, à elle même : Cette année le guide m’a un peu déçue. Il s’appelait Thibault. Il était prétentieux, avec des yeux vitreux « Bonjour ! Départ a 7 h demain matin ». Je me suis dit ça commence bien.
Un silence.
Jade, à elle même : J’ai bien aimé le refuge de la première étape : un grand chalet, tout neuf, confortable. Le soir au dîner ça commence à chauffer net. Ahmad, l’un des membres du groupe, me demande : « Alors, tu fais quoi dans la vie ? ». Je lui réponds : « du design d’espace ! ». Et pendant les trois jours qui ont suivi Ahmad me répète toutes les cinq minutes « Jade, t’es la designer ! Assure là ! ». J’ai entendu cette réflexion 15 000 fois, que se soit pour parler, mettre la table, ranger la vaisselle, manger, s’habiller ! ...
Le téléphone : Vrrrp, vrrrp, vrrrp, vrrrp, vrrrp, vrrrp, vrrrp, vrrrp !!!!!
Jade : Allô ?
Marie-Claire : Salut c’est Marie-Claire !
Jade : Ah salut !
Marie-Claire : On se demandait comment s’était passée ta semaine à la montagne ? Est-ce que ça t’a plu ?
Jade : C’était super. Le groupe était sympa, les paysages magnifiques !
Marie-Claire : Ahahahahah ! Et tu as rencontré des gens ?
_ Jade : Euh, tout un tas.
Marie-Claire : Des gens comment ?
Jade : Oh de toutes sortes !
Marie-Claire : Ah. Et comment était le guide ?!
Jade : Très sympa aussi. Il nous a raconté des trucs sur lui.
Marie : Ahahahah ! Je te passe Bernard.
Bernard : Salut !
Jade : Ah salut !
Bernard : Bien ou quoi ?
Jade : Oui, oui, ça va très bien.
Bernard : Alors t’es pas trop fatiguée ?
Jade : Ça va !
Bernard : Bon bah, bonne route !
Jade : Merci !
Un silence.
Quatrième jour : ça chauffe encore plus. Les autres gens du groupe se couchent à 21h. Pour faire bonne figure je reste avec Vanessa, Thibault, et Ahmad. Ahmad disait sans arrêt : « On est pas venus là pour aller au lit à 9 heures ! » . Thibault nous a fait picoler jusqu’à 6h30 du matin. On devait partir à huit heure. J’étais là, à les écouter parler tous les trois, sans rien avoir à dire. _ Le type du bar nous servait des bières, et encore des bières, en toute complicité.
La rando commence. J’ai mal au crâne, l’estomac rempli d’alcool. Avant midi les derniers mètres à monter sont insoutenables. Thibault me fait « Allez Jade, allez, allez ! » comme si c’était facile après une cuite !
Un silence.
Le dernier soir ça faisait plus que chauffer : ça brûlait. Océane, une autre personne du groupe, nous donne rendez-vous dans un bistro. Elle commence par dire « On reste en contact les loulous ! C’était trop bien cette semaine ! Passez moi vos numéros ! ».
Je passe le mien pour rester discrète en sachant très bien que ce groupe là, c’est terminé. _ Ahmad raconte que le guide nous a fait picoler. Il continue, affirme « A côté t’avais Jade, qu’était là, qui disait rien ! ». Sa réflexion est surenchéri par Gustave, un autre membre du groupe « Ha, ha ! Jade qui dit rien, comme d’hab’ quoi ! ».
Et Vanessa vient clore le tout : « Jade s’est barrée la première au lit ! ». A cet instant précis Ahmad se marre et tape dans ses mains. Je prends son verre, lui balance dans la figure. Je quitte la table sans dire en revoir. Ahmad était le casse-couilles des vacances, il avait dépassé les bornes.
Un silence.
C’était différent l’année dernière. Les gens du groupe étaient bienveillants. On se marrait tous les soirs en s’endormant dans nos lits. Finalement, partir tout seul en séjour organisé présente des risques. J’ai décidé d’y remédier, sous peur d’être victime une nouvelle fois des autres. Ils représentent à eux seuls les étincelles, qui m’ont fait exploser.
Le narrateur : Jade continue sa route, quant à Bernard et Marie-Claire...
Bernard, raccrochant : Ah la, la ! T’en penses quoi ?
Marie-Claire : Oh, laissons la rentrer ! C’est Jade hein !
Bernard : Elle m’a semblé, ch’ais pas ?
Marie-Claire : Écoute ! Les vacances qu’elle a passées là-bas, à mon avis : m, m, m !
Texte de la performance.